C’est une tradition désormais ancrée, peu ou prou une fois par an, au Grand Théâtre de l’Opéra National de Bordeaux : on vous en avait déjà parlé ici, réitérons l’exercice pour cette nouvelle soirée d’avant-goûts, ces « Quatre Tendances » kaléidoscopiques, consacrées aux entrées dans le répertoire du lieu. Des tendances matérialisées sous la forme de quatre spectacles assez courts, d’une vingtaine de minute chacun, parfois moins, chacun offrant son lot de surprises, de bonheurs, de chatoiements pour l’oeil.
Parmi eux, il y aura Skywatcher, une création dont on aime à penser, vu son intitulé, qu’elle a été conçue exprès pour être apprécié des spectateur.rice.s installé.es au paradis – le nom donné, dans le jargon théâtral, aux gradins les moins chers, situés les plus en hauteur, loin de la scène et près des plafonds. Quel que soit le degré de pertinence de cette supposition, une chose est certaine : il s’agit d’un ballet pour vingt danseurs placés sous la houlette scénographique de l’Américain Houston Thomas, formé au ballet de Dresde et récent lauréat du Concours jeunes chorégraphes, l’été dernier à Biarritz.
Il y aura aussi le Woke Up Blind de Marco Goecke, l’ancien directeur de l’opéra de Hanovre – démis de ses fonctions après avoir étalé du caca sur le visage d’une critique. Revenu (on l’espère !) à des préoccupations moins vengeresses, le chorégraphe allemand proposera une variation sur la sensibilité de Jeff Buckley. Évitons le mot d' »immersion » pour évoquer ce spectacle (celleux qui connaissent la fin tragique de Buckley savent pourquoi), préférons dire que les mouvements seront guidés, redoublés, transcendés par des chansons comme « You and I » et « The Way Young Lovers Do », timbres de voix et lignes de guitares doublant les corps, modelant un espace et un temps à part.
Pour l’autre versant des spectacles à découvrir pendant cette soirée, c’est le même duo de chorégraphes qui sera à la manoeuvre. Un couple par ailleurs bien connu du répertoire de l’Opéra National de Bordeaux, celui formé par l’espagnole Sol León et le britannique Paul Lightfoot, piliers du Nederlands Dans Theater, auteur.rice.s de Softly, As I Leave You et Sad Case.
Première née – au milieu des années 90 – de ces deux pièces prolongeant le fructueux compagnonnage, Softly, As I Leave You tire son nom d’une chanson italo-américaine interprétée par Sinatra ou Shirley Bassey, notamment. La musique, encore. La musique et le couple, aussi, ainsi que les sens, exposés sous forme de métaphores, d’incarnations symboliques, autour d’une boîte représentant nos limitations sensorielles, perceptives ; au danseur le toucher, à la danseuse les mystères du sens qu’on dit sixième (en suivant la description aristotélicienne) pour, combinés, faire rejaillir réflexion et émotion sur les spectateur.rices.
Enfin, avec ses cinq interprètes peinturluré.es de blanc, sa musique mêlant charleston et mambo mexicain, Sad Case fera et sera, comme le proclame Lightfoot lui-même, un déconcertant « tsunami d’énergie, à la fois par la musique et la danse », quelque part entre l’expressivité ludique du cinéma muet et une certaine exubérance physique, une gaieté belle et absurde, belle parce qu’absurde.
Tout ce beau carré de pièces et de tendances pourra être admiré pendant une dizaine de jours, au gré de représentations quotidiennes. Et la Radio Nova Bordeaux a gardé quelques fauteuils veloutés à votre attention ; pour décrocher la timbale, obtenir ces quelques places, tentez votre chance ci-dessous avec le mot de passe Nova Aime.
Quatre Tendances, du samedi 22 avril au mardi 2 mai @ Grand-Théâtre (Bordeaux).