À plusieurs reprises et à différentes époques, le regretté Ryūichi Sakamoto, dont nous apprenions la disparition ce week-end, nous avait fait l’honneur de venir partager son aisance, son intelligence et sa gentillesse sur les ondes de Radio Nova. Pour mieux comprendre la carrière dense et complexe de cette figure incontournable de la pop (arty !) japonaise, quelques archives, retrouvées par Isadora Dartial.
Il y a des disparitions qui vous remuent plus que d’autres. Celle intervenue ces derniers jours du Japonais Ryūichi Sakamoto, prodige des musiques électroniques et fondateur du projet culte de synthpop Yellow Magic Orchestra au terme des années 70 (un équivalent tokyoïte, pour le dire vite, de Kraftwerk), a été de celles qui nous rappellent à quel point sont rares les figures qui mettent d’accord les vrais branchés, les vrais alternatifs, les vrais mélomanes qui ont rarement eu le temps d’écouter entièrement une discographie qui compte des dizaines de disques (YMO, carrière solo et bandes sons comprises). Les fans de Debussy l’ont aimé, comme ceux de Popol Vuh, de Lou Reed et de John Cale ou ceux de Jeff Mills. Même ceux de Youssou N’Dour, avec qui Sakomoto avait croisé les idées.
Les adeptes de la Sono mondiale, aussi (et pas « world music »), comme celles et ceux de notre radio, qui interrogeaient en 1996 (la parole était alors à Jean-François Bizot, Rémy Kolpa Kopoul et Bintou Simporé) le Japonais sur cette idée de Neo Geo dont vous savez à quelle point, ici chez Nova, elle a fait des émules :
« J’ai réalisé que nous avons tous une carte, une certaine géographie dans notre esprit, qui peut changer à tout instant. Pour ma carte, Bali est à côté de New York, et est beaucoup plus grande que ce qu’elle est, le Japon également. Cette carte est fondée sur l’importance culturelle de ce qui nous intéresse. C’est ça Neo Geo, la nouvelle géographie. »
Sakamoto, le grand public le connaît, aussi, même s’il ne le sait pas forcément. Il le connaît notamment pour l’avoir vu dans Furyo, le film de Nagisa Ōshima sorti en 1983 (avec David Bowie), dont le Japonais avait signé le très célèbre « Merry Christmas, Mr Lawrence », qui tourne encore peut-être dans vos playlists. Et dans nombre d’autres.
« C’était la première fois que je travaillais sur une bande-originale. Mr Hoshima m’a laissé une liberté totale. J’ai travaillé 2 mois en studio, il est venu une seule fois, a écouté pendant une demi heure, et m’a dit qu’il était content ! J’ai eu beaucoup de chance. Beaucoup de réalisateur m’ont demandé de composer par la suite, mais ils m’en demandaient beaucoup plus… », confiait-il à Isadora Dartial en 2018 alors que notre journaliste et productrice se plongeait, dans le cadre de Dans les oreilles de…, dans la discographie intime de son invité.
« Je ne veux pas voir ma tête sur grand écran », affirmait-il cependant au micro de Thierry Planelle en 1990 alors que celui-ci, déjà sur Nova, l’interrogeait sur son rapport au rôle d’acteur. « On m’a demandé de jouer dans plusieurs films avant mais j’ai toujours refusé. Si j’ai travaillé avec Bertolucci et Ōshima c’est parce que j’étais un grand fan. Je n’aime pas jouer et je n’aime pas ma façon de jouer. »
Plus facile, pour Sakamoto, de se livrer sur son rapport à la musique, comme en ont témoigné David Blot et Sophie Marchand en 2018 pour ce qui restera donc le dernier passage sur notre antenne de cet artiste génial et, on doit le dire, d’une gentillesse et d’une douceur remarquable, artiste avec lequel vous avez l’occasion, avec ces quelques heures d’archives que nous ressortons à votre attention, de vous familiariser un peu plus encore. Bon écoute et à monsieur Sakamoto, bravo encore pour tout.