Un batteur propose 75 nouvelles versions de l’un des samples les plus utilisés de l’histoire de la musique.
Si vous êtes un auditeur fidèle de Nova la signification du mot “sample” ne doit pas vous échapper. Décortiqué par Sims dans le “Sample de la semaine”, ou raconté dans une chronique qui retrace la généalogie du hip-hop, ces échantillons sont légion sur l’antenne, et dans la sono mondiale. Parmi ces extraits sonores, certains sont devenus cultes. Celui dont on vous parle aujourd’hui en fait partie, c’est un break de batterie autant utilisé dans le hip-hop que dans la musique électronique, le “Amen Break”, aujourd’hui rafraîchit par un batteur britannique.
Amen, Brother
En 1969, le groupe américain rangé dans le funk-soul The Winstons publie le morceau “Amen, Brother” qui contient à mi-parcours un solo de batterie de G.C Coleman. Un peu moins de six secondes de rythme frénétique, pas couché sur le papier, en impro, à l’instinct. Plus de 50 ans plus tard, il est difficile de mesurer l’impact qu’ont eu ces 5,2 secondes de pur instinct sur l’histoire de la musique.
Ces quelques secondes, ont les retrouve dans le rap, en tant que socle sur lequel des emcees rappent, les Étasuniens de 2 Live Crew sont parmi les premiers du genre à s’en servir, beaucoup les ont imités depuis. Le sample est si populaire qu’il serait impossible de citer toutes les occurrences dans le rap. À partir de cette séquence, on a pu fabriquer des genres musicaux à part entière : la jungle, et d’autres courants de l’électronique qui en découle comme la drum and bass. Là aussi, il serait impossible de comptabiliser le nombre de fois qu’il est utilisé, tant il est omniprésent.
Comme souvent dans l’histoire du sampling, les auteurs n’ont pas été remerciés à la hauteur de leur contribution. À vrai dire, ils ignoraient tout de l’impact de leur morceau, jusqu’en 1996 quand un label anglais les contacte pour acheter les masters du morceau original, les premiers à avoir tenté de faire les choses dans les règles. Il faut bien se rendre compte qu’extraire des samples a toujours été une pratique qui joue sur des zones d’ombres, en termes de légalité et d’éthique.
Le batteur G.C. Coleman meurt en 2006, sans le sou et à la rue. Quelques années plus tard, une pétition lancée par les DJs britannique Martyn Webster et Steve Theobald, a pu réunir 24 000 pounds pour Richard Spencer, leader du groupe The Winstons, pour tenter de ramener un peu de justice. Cette triste fin amène à se poser des questions sur les pratiques du sampling et la propriété intellectuelle des artistes sur leur musique.
La cabane à beats
À l’époque, les samples comme l’Amen Break étaient extraits des vinyles en les rippant dans des cartouches pour les réutiliser. De nos jours, les moyens de sampler sont plus nombreux, du téléchargement sur des sites pirates, à la capture de son sur YouTube, avec internet et les logiciels de MAO (Musique Assistée par l’Ordinateur), tout se simplifie et s’accélère.
Les moyens de sampler ne sont pas tous illégaux. Il existe aussi des sites proposant d’acheter des packs de samples, des stocks d’échantillons sonores prêts à être samplés, et on trouve de tout sur ces sites, du classique à la relecture plus innovante. Sur The Beatz Shed, site lancé par le batteur Merlin Matthews, on peut trouver depuis la semaine dernière 75 nouvelles variations du fameux Amen Break. Ces nouvelles versions sont formées autour de combinaisons de 3 kicks, 5 snares et 5 rides soigneusement sélectionnées, traités et réenregistrés.
Si vous êtes mordus de techniques, et du genre à passer des heures sur le net à chercher des astuces de production, The Beatz Shed a même un blog dédié aux boucles et autres samples packs que met en vente le site. Merlin Matthews y explique en profondeur les choix d’instruments et les procédés d’enregistrement, le tout avec un ton ironique très british. Après, ne vous méprenez pas, on aime toujours autant le sample original, mais avouez que de temps en temps, c’est pas mal de faire un break.