Pour le savoir, Radio Nova s’est rendu à la première édition de l’Ocean Fest, dont tous les bénéfices étaient reversés à Sea Sheperd, ONG de défense des océans.
Comment monter un festival estampillé écolo lorsqu’ils sont si énergivores ? Selon The Shift Project, un festival de 280 000 personnes émet potentiellement 14 000 tonnes de CO2. Rien qu’un quart de ça, c’est l’équivalent de 400 allers-retours Paris/New-York. Mais faudrait-il se restreindre quand même ? Non, aurait-on tendance à dire du côté de l’Ocean Fest, créé par le journaliste Hugo Clément et le musicien Worakls.
Pour sa première édition, en terres maritimes de Biarritz, l’événement a réuni Polo & Pan, Synapson ou encore Silly Boy Blue pour une soirée engagée, dont tous les fonds de la billetterie iront à l’association Sea Shepherd, ONG de défense des océans.
Près de la Halle d’lraty, des tee-shirts et autres merch’ à leur effigie étaient en vente. Plus tôt dans la journée, une conférence animée par l’ONG a réuni des centaines de personnes, « pas habituées à ces sujets », nous confie une membre de l’équipe du festival. Et c’est bien là l’objectif : « toucher un public grâce à la musique, semer quelques graines dans l’esprit de chacun », admet Lamya Essemlali, présidente de Sea Sheperd France. L’artiste Worakls va même plus loin : réussir à faire de l’écologie qui ne soit pas barbante ni anxiogène. « On a dit aux gens de venir s’amuser et en faisant ça, ils financent une association qui fait du bien à l’environnement. Ça parait évident pour tout le monde », souligne-t-il.
Et aussi pour les artistes, venus sans cachets : « il y en aura d’autres », s’exclame la chanteuse Silly Boy Blue, arrivée exprès en train depuis Paris. « Je fais partie d’une génération où l’on n’a pas pu faire semblant de ne pas voir », admet-elle, voir que le monde s’étiole et qu’il court à sa perte. Alors venir jouer gratuitement, « c’était normal ». Pareil pour Vitalic – qui travaille depuis longtemps avec Sea Sheperd —, qui est venu avec une scéno’ minimale pour l’occasion.
Minimiser son impact
Mais comment organiser un tel événement en polluant le moins possible ? « À partir du moment où l’on existe, on a une empreinte carbone », nous répond Lamya Essemlali. « Il s’agit d’en avoir conscience et de la minimiser le plus possible », martèle celle pour qui l’événement permettra de récolter des milliers d’euros à générer des profits pour l’ONG – toujours utile lorsque l’on sait que 12 à 15 millions de tonnes de plastiques se retrouvent dans l’océan chaque année, tuant un million d’oiseaux de mer et 100 000 animaux marins.
Sur place, aucun déchet plastique. Une restauration végétarienne ou végane. Mais le plus énergivore dans un festival, c’est le déplacement. Celui des artistes comme celui des festivaliers. Pour un événement comme celui-ci, qui remplissait une jauge de 4 500 personnes, c’est autant de monde susceptible de prendre sa voiture pour venir. « Les principaux émetteurs de CO2 d’un festival, c’est le déplacement des spectateurs en voitures (thermiques) et l’alimentation. Là, l’Ocean Fest a mis en place des navettes, du covoiturage et une offre alimentaire full veggie, ça coche les bonnes cases », admet Jean-Paul Deniaud, co-fondateur de Pioche !, un média culturel qui porte « les nouveaux récits de l’écologie ».
Du côté des artistes, pour beaucoup en tournée, il faut s’assurer que cela colle au calendrier pour qu’ils puissent avoir le temps de faire 4h30 de train depuis Paris. Et encore ici, aucune tête d’affiche internationale. C’est là toute la difficulté de la plupart des festivals : faire venir des artistes d’ici et d’ailleurs.
Alors, faudrait-il ne rien faire du tout ? Ne faire venir que des artistes locaux ? Difficile à imaginer. « Un think Tank a fait cette blague le 1er avril », raconte Jean-Paul Deniaud. « On pourrait rester dans les Accords de Paris si chacun ne restait éveillé que 3h32 par jour », souligne-t-il. Mais les événements peuvent minimiser leur impact et ils sont nombreux à le faire déjà : inciter les festivaliers à utiliser des navettes communes, installer des panneaux solaires, des fontaines à eau plutôt que des bouteilles en plastique, en invitant des acteurs et actrices de la lutte pour le climat…
Faire un festival estampillé « écolo », si c’est un bon moyen de sensibiliser et d’impliquer des publics à une cause, doit surtout avoir « un message clair et que sur place, il se passe de vraies choses, à l’image de Solidays ou de la Fête de l’Huma qui sont de bons exemples, pour nous », rappelle Jean-Paul Deniaud. Comme le dit Hugo Clément à Pioche!, « la question, c’est de trouver le juste équilibre entre les fonds qu’on va récolter pour la bonne cause et l’impact un peu inévitable d’un festival, qu’il faut essayer d’atténuer le plus possible. »
Se former et s’informer
Il existe aussi une charte de développement durable pour les festivals, créée par le ministère de la Culture qui pointe un certain nombre d’objectifs à se donner pour minimiser son impact. Depuis peu, l’association Act Right (en collaboration avec le festival éco-responsable Les Pluies de Juillet) – en plus de formations contre les violences sexistes, sexuelles et la réduction des risques – propose désormais aux structures et événements de les aider dans leur chemin pour devenir plus verts. À travers une formation d’une journée, n’importe qui peut mettre le doigt sur « ce qui est le plus énergivore, conscientiser ce qu’il se passe, hiérarchiser puis réfléchir à quoi mettre en place pour réduire cet impact-là », explique Claire Lametri, cheffe de projets et coordinatrice au sein d’Act Right. Reste à être vigilant sur les événements qui abusent d’éléments de langages verts pour se concentrer sur ceux dont l’engagement ne fait aucun doute.