On ne peut pas tromper l’oreille d’un fan.
Vous venez d’investir dans une platine, pour l’accompagner, vous avez pris soin d’acheter un beau vinyle de votre groupe préféré. Alors que vous lancez l’écoute, le premier morceau sonne faux et votre moment de détente est gâché. C’est l’expérience qu’a vécu un fan des Clash en 2018, jusqu’ici pas de raison de faire les gros titres, mais si l’on vous dit que cette histoire a entrainé la fin d’une entreprise criminelle, c’est déjà plus alléchant.
Le faussaire du Dorset
Ce fan des Clash resté anonyme avait acheté sa galette sur internet, pas sur un site de ventes classique comme la Fnac ou Discogs, mais sur une plateforme de revente de disque appelée VinylgrooveUK. Quand contact le service pour signaler que le vinyle qu’il a reçu est de mauvaise facture et qu’il aimerait donc être remboursé, VinylgrooveUK refuse. C’est niet. Notre acheteur mécontent ne se démonte pas et envoie une plainte aux “Trading Standards Officers”, des agents qui régissent le commerce au Royaume-Uni, qui s’empare de l’affaire. Les experts commandent deux disques sur le site, pour simuler une expérience utilisateur lambda et attester de l’authenticité des vinyles achetés.
Le poisson mord à l’hameçon, deux disques tous les deux contrefaits atterrissent dans leur bureau. Ils ont là suffisamment de raisons pour lancer une perquisition chez VinylgrooveUK.
Derrière ce nom passe-partout se cache un homme d’affaire basé dans le Dorset dans le Royaume-Uni, un certain Richard Hutter qui a la mauvaise surprise de voir débarquer des agents chez lui avec un mandat justifiant une fouille complète de sa maison. Avec la centaine de faux vinyles stockés, d’Amy Winehouse, aux Pink Floyd, vendus 40 £ pièce, il devient difficile pour le contrebandier de nier.
La rançon de la gloire
La British Phonographic Industry (BPI), principal défenseur des intérêts des vendeurs de disques au Royaume-Uni, s’est saisi de l’affaire et estime que Richard Hutter a amassé 1,2 million de pounds grâce à son business. À l’issue de son procès, le faussaire évite la prison, mais il est maintenant tenu de rembourser tous les acheteurs qu’il a arnaqués. La BPI a profité de cette affaire pour partager quelques chiffres intéressants : sur les 3 dernières années, ils auraient saisi plus de 3 millions de vinyles contrefaits, un chiffre qui grimpe de concert avec la popularité du vinyle.
Paola Monaldi, responsable de l’unité de protection du contenu de l’association des maisons de disques britanniques, la BPI, a d’ailleurs déclaré : « Le vinyle a connu un retour incroyable au cours des dernières années, avec environ 5,5 millions de disques achetés rien qu’au Royaume-Uni en 2022. Malheureusement, cette renaissance s’est accompagnée d’une augmentation inquiétante de la contrebande et des ventes d’enregistrements non autorisés. ».
En clair, Richard Hutter n’est pas le seul à se lancer dans le trafic de disque, mais l’on pourra toujours compter sur les oreilles affutées des auditeurs pour débusquer les fraudes. C’est peut-être pour vous le moment de dépoussiérer et de repasser tous les disques chez vous, histoire de bien vérifier que le son est bon.