Pour un cinéma réputé comme ayant du mal à s’inspirer de l’histoire récente, la production française se sera bien rattrapé en ce qui concerne l’attentat du Bataclan. Depuis l’automne dernier, se seront succédés une demie-douzaine de films, de Revoir Paris à Novembre revenant sur ce traumatisme. Petit paradoxe temporel, Un an, une nuit, les aura structurellement précédé, mais n’arrive sur les écrans qu’en dernier, même s’il a été présenté au festival de Berlin en 2022. Cette faille dans l’espace-temps va plutôt bien au film d’Isaki Lacuesta, qui en fait plus qu’un récit de l’évènement, sa matière. Soit le parcours, raconté autant par l’avant, le pendant et l’après attentat, d’un couple. Mais aussi par le ressenti d’un cinéaste catalan qui se trouvait quasiment sur place, le soir du 13 novembre 2015. Un an, une nuit fractionne donc cette traversée de l’enfer et plus encore les séquelles psychologiques qu’endurent Ramon et Céline chacun devant faire face à la culpabilité des survivants, les souvenirs de cette nuit ou la pitié de leurs proches, mais à leurs propres rythmes.
Lacuesta organise autour d’eux les morceaux d’un puzzle formaliste, structure logique, car sans doute la seule pour exprimer un chemin de résilience multiple, en tant qu’individu et que couple. Et plus encore pour incarner l’entrechoc des phases de reconstruction, du déni à l’acceptation, de la colère à la dépression ou la manière dont ce processus se bâtit. Mais aussi pour donner littéralement corps à ces étapes, par une mise en scène ultra-sensorielle, quasi tactile. Nahuel Perez Biscayart et Noémie Merlant y faisant incroyablement écho par de monumentales interprétations impliquant le langage corporel, comme pour mieux faire ressentir ce que les mots ne peuvent pas exprimer dans une telle situation. Un an, une nuit, parvient ainsi à tenir à l’écart toute exploitation voyeuriste de cet attentat en associant approche semi-documentaire et mélo moderne avec la même frontalité ou en plaçant ce couple sous un microscope pour mieux traquer des pulsions de vie capables d’éradiquer celles de mort, et avant tout la capacité à ne pas vouloir rester défini comme les proies d’un syndrome post-traumatiques, mais comme ceux qui finissent par s’en délivrer, quitte à ce que ce soit en devant faire le deuil d’un amour.
En salles le 3 mai.
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