Dans le genre de Claire Burger, et dans sa playlist, avec Géraldine Sarratia.
Dans le genre est une émission de Géraldine Sarratia, diffusée un dimanche sur deux à 19h sur les ondes de Nova et disponible en podcast, ici.
Dans ce 41ème épisode de Dans le Genre, Géraldine Sarratia reçoit la cinéaste Claire Burger. On se souvient encore de Forbach, un très beau film de fin d’études qui dessinait déjà la marque d’un cinéma intime qui oscillait entre fiction documentaire et affirmait son goût des marges. Après Party Girl, portrait d’une femme forte réalisé avec Marie Amachoukeli et Samuel Theis (caméra d’or à Cannes en 2014), Claire Burger s’attelle aujourd’hui à faire le portrait d’un homme fragile dans le très beau C’est ça l’amour.
Un film d’inspiration autobiographique qui décrit avec beaucoup de finesse une histoire de famille, dans la singularité de ses membres, dans leur non-conformité aux stéréotypes de genres. Qu’est ce qu’un père, qu’est ce qu’une mère, une famille, qu’est-ce qu’une jeune fille qui en désire d’autres ? Et puis, c’est quoi l’amour ?
En une heure (l’émission est disponible en intégralité en podcast) Claire Burger et Géraldine Sarratia ont exploré le rapport au genre de la réalisatrice, mais aussi celui à son physique, à l’androgynie, à la découverte de son homosexualité, à ses figures d’identification, familiales, cinématographiques, mais surtout musicales. Claire Burger est venue avec sa playlist sous le bras et celle-ci en dit long sur son parcours.
Portishead – The Rip
J’ai choisi Portishead parce que j’ai grandi dans les années 90 et tout ce qui était trip-hop était très important à cette époque. Le grunge aussi. Je crois que ces deux mouvements musicaux étaient assez peu genrés, il y avait une grande possibilité d’être fille et/ou garçon. J’ai eu la chance de grandir en pouvant m’habiller comme un garçon, sans que ça choque, puisque toutes les filles le faisaient. J’imagine que si j’avais grandi à une époque où le R’n’B faisait fureur, ça aurait été un peu plus compliqué.
Quel type d’adolescente étiez-vous et comment vous inscriviez-vous dans le genre féminin ?
J’ai eu une adolescence assez pénible, qui a dû peser sur mes parents qui étaient par ailleurs en pleine séparation. Nous vivions aussi dans une région qui allait mal, qui était en crise. J’ai découvert mon homosexualité autour de 13 ans et je l’ai portée avec une certaine difficulté et un réel mal de vivre au cours de mon adolescence.
Vous parliez du style grunge… Avez-vous rejeté les signes de féminité ?
J’ai beaucoup rejeté les signes de féminité mais aussi ceux de la masculinité. J’ai toujours été très attirée par l’androgynie. Pour moi les accoutrements liés à la féminité ou à la virilité sont des déguisements, que j’ai beaucoup de mal à porter. J’ai l’impression que pour essayer de me trouver moi-même, j’ai besoin d’échapper à ces stéréotypes et c’est difficile, parce que ces codes sont partout. C’est quelque chose que je vis encore aujourd’hui. Dans la rue par exemple, si je ne suis ni en robe ni très maquillée, parce que je suis très grande et un peu costaud, on peut me prendre pour un homme. Je n’ai pas ce besoin d’être féminine ou masculine, j’essaie juste, péniblement, d’être Claire.
Mansfield.TYA – Logic Coco
C’est un groupe qui a longtemps existé dans mon imagerie de la communauté lesbienne. J’ai l’impression que Julia, la chanteuse ce groupe, a quelque chose de très androgyne avec des codes très féminins, enfantins et en même temps une vraie masculinité. Je trouve qu’elle a un grand talent. Cette chanson a quelque chose de très simple et de très beau.
À l’adolescence, quels étaient vos modèles d’identification féminins et masculins ?
Je suis allée picorer un peu partout, à la fois chez des personnages très androgynes comme David Bowie, qui montrait l’exemple. J’étais aussi très fan de Led Zeppelin, qui jouait sur ces codes, avec des jeans très moulants, du maquillage…
Oui le glam-rock et le métal par la suite, avaient quelque chose d’assez féminin…
Tout à fait et puis plus tard des hommes très féminins, sensibles, mélancoliques, dans le trip-hop par exemple. J’étais très troublée par le chanteur de Radiohead… C’est une époque qui jouait assez facilement avec les genres, même dans la publicité, Calvin Klein, etc… On a traversé une petite époque, une petite fenêtre, où l’androgynie était intéressante, sexy. Je me suis nourrie de tout ça.
Chloé – Take Care
C’est un titre qui figure dans la bande-son de votre film, un titre que vous avez beaucoup écouté… Vous êtes allée au Pulp [club lesbien mythique à Paris, ouvert de 1997 à 2007, où Chloé fut DJ résidente, ndlr] ?
Oui, je suis allée au Pulp, j’ai cette chance (rires). Mais à l’époque, ça n’était pas une boîte particulièrement lesbienne, c’était une boîte fréquentée aussi par beaucoup d’hétéros qui venaient chercher du bon son. Mais c’est en effet un endroit que j’ai beaucoup fréquenté, et qui représente le début de ma vie parisienne quand j’ai quitté ma province et que j’ai pu me jeter dans les bras des filles à Paris…
Paris ça a été une liberté pour vous ?
Alors moi j’ai eu la chance, en grandissant dans le Nord, et près de la frontière Allemande, de vivre à un endroit où l’homophobie n’était pas extrêmement marquée. Je pense que c’est peut être plus compliqué dans le Sud. Et puis j’étais une fille, je pense qu’en tant que femme on n’a pas affaire aux même difficultés que les hommes homosexuels. Mais j’ai été en difficulté dans le sens où il n’y avait pas suffisamment de femmes qui aimaient les femmes autour de moi. C’est pourquoi en arrivant à Paris j’ai eu très envie de fréquenter la communauté homosexuelle. Je ne le fais plus aujourd’hui, je n’en ai plus besoin. Mais ça a été une réelle aide pour me construire, parce que j’en avais assez de tomber éperdument amoureuse de filles hétérosexuelles et de pleurer en pensant que rien n’était possible.
Visuel © Getty Images / Michael Buckner