Le Festival de Cannes l’a annoncé la semaine dernière, le Président du Jury cette année sera Alejandro González Iñárritu. C’est la première fois qu’un Mexicain occupera cette place et cela achève de consacrer l’incroyable force des Mexicains d’Hollywood en ce moment. L’annonce a en effet été faite au lendemain des Oscars, qui ont vu triompher Alfonso Cuarón en tant que « Meilleur réalisateur » pour son film Roma.
Cuarón avait déjà gagné cet oscar en 2014 pour Gravity. En 2018, les prix du Meilleur film et du meilleur réalisateurs étaient allés à Guillermo Del Toro (qui a donc remis son prix à son compatriote cette année) pour La forme de l’eau. Alejandro González Iñárritu a lui-même été primé par deux fois, pour Birdman et The Revenant.
Bref, les années 2010 aux États-Unis, sur le plan cinématographique, auront été furieusement mexicaines. À Hollywood les trois compères sont surnommés « The Three Amigos », d’autant qu’ils sont réellement amis. Ils s’entraident, ils se consultent sans cesse, se montrent leurs films pendant le montage. À voir, les trois documentaires que leur consacre Jean-Pierre Lavoignat.
Évidemment, cette histoire de Mexicains à Hollywood c’est un beau pied-de-nez à ceux qui veulent construire le mur à la frontière. D’ailleurs, bien avant Trump, en 2015, Sean Penn ironisait sur le sujet, en annonçant Birdman vainqueur lors de la cérémonie des Oscars d’un tonitruant : « Who gave this son of a bitch his green card ? » (« Qui a donné un droit de séjour à ce fils de pute ? »).
Iñárritu et Cannes, une longue histoire
Alors pourquoi choisir, parmi les trois compères, Iñárritu, pour présider le jury Cannois ? Peut-être parce que sa carrière est la plus intimement mêlée à celle du Festival. Il y est né, en quelque sorte, en tant que réalisateur, en 2000, avec son premier film, Amours chiennes, une folle poursuite, fiévreuse et engagée, dans les rues de Mexico.
Un récit complexe en trois parties écrit par Guillermo Arriaga. C’est avec ce film qu’on a découvert Gael García Bernal et que le Mexique a trouvé sa place sur la carte du monde du 7ème art. Iñárritu est revenu à Cannes plusieurs fois, avec Babel notamment, qui lui a valu le Prix de la mise en scène.
Comme ses deux amigos, Iñárritu est un passionné de la forme. Il est en recherche permanente de nouvelles façons de raconter des histoires. Il s’est récemment passionné pour la réalité virtuelle. En effet il y a deux ans, à Cannes, il a présenté une installation dans laquelle les spectateurs, coiffés d’un casque, étaient plongés dans l’enfer des migrants mexicains à la frontière américaine. Le spectateur était mis dans la peau d’un migrant, en plein désert, arrêté par la police et mis à genoux dans le sable.
Ceux qui ont vécu cette expérience en réalité virtuelle ont pu faire le parallèle avec ce qu’ont dû vivre les tout premiers spectateurs de l’histoire du cinéma, ceux qui avaient l’impression qu’ils allaient se prendre un train en pleine face, sorti de l’écran…
Visuel © Getty Images / Jason LaVeris