Pilier de la musique électronique française fondé par Pedro Winter, le label Ed Banger inonde le monde de tubes depuis plus de 20 ans. Une enquête revient sur ce qui a fait le succès d’Ed Banger, porte-étendard de la french touch et de comment ce label symbolise le passage des marges au mainstream pour l’électronique.
Basé sur un mémoire de sociologie signé par Julia Pialat, (déjà autrice d’une thèse sur la French touch), Ed Banger Records : Une histoire des musiques électroniques françaises raconte, à travers l’histoire du label Ed Banger, une période de métamorphoses dans la musique française et dans l’industrie musicale.
Cet ouvrage permet à son autrice d’aborder les éléments qui ont permis à la French touch de s’imposer comme une musique majeure à l’international. Julia Pialat y décrit le passage d’une ère où les DJs jouaient dans des cabines sombres à une période où ils sont mis sur le devant de la scène au même titre que les rockstars. L’histoire de cette explosion commence avant la naissance de cette écurie, grâce aux Daft Punks, managé par Pedro Winter, qui on poussé le reste du monde à prendre en compte la touche française dans l’équation de la musique globale.
Pedro Winter tire de cette expérience inestimable une connaissance du marché et une compréhension des dynamiques du métier d’accompagnement des musiques qui montent. Ce savoir il va l’appliquer au moment de fonder sa propre maison de secoueur de tête. Dans ce livre sous-titré “In Party We Trust”, l’autrice fait l’analyse de ce qui a été la force du label – une identité graphique forte signée par So Me, un son maximaliste inspiré du rock, et un trait d’union entre hip-hop et éléctro encore inédit – des attributs lui permettant de s’imposer à l’international, particulièrement aux États-Unis.
Ce succès est en effet le résultat d’années de travail et de stratégies élaborées par les professionnels du milieu mises en place pour faire de cette scène une réussite critique et commerciale, que ce soit le rôle d’Emmanuel de Buretel de la major Virgin dans le plan d’attaque, le rôle des figures de l’ombre comme l’attachée de presse Kathryn Frazier des solutionneur·euses qui ont permis de conquérir un marché jusqu’alors hermétique à l’électronique, français ou non.
À travers les secrets des tournées majeures Alive 2007 de Daft Punk et A Cross The Universe de Justice et les événements Ed Banger organisé en région francilienne et dans le monde, on rentre immersion dans une période de la fête française où les jeunes portaient des t-shirts fluos, des glow sticks, regardaient Skins et dansaient au Social Club. On assiste à l’émergence des blogs et des communautés internet, un bouleversement dans l’histoire de la musique, qu’ED Banger a traversé en conservant en tout temps leur crédo Travail, Famille, Party.
Au-delà des anecdotes souvent hilarantes recueillies auprès de plus de 200 producteurs, amis, collaborateur, graphistes et témoins de l’époque interviewés (Pedro Winter bien sûr, mais aussi Justice, David Guetta, Quentin Dupieux, Uffie, Laurent Garnier, Sebastian, Étienne de Crécy, Steve Aoki, etc…), le livre est également enrichi par des photos d’époque plongeant le lecteur dans les coulisses de cette scène électronique.
Seul bémol, le livre arrête son analyse rigoureuse de l’histoire du label au tournant des années 2010, n’aborde pas en profondeur la génération actuelle d’artistes portés par Ed Banger (Myd, Varnish La Piscine, Mad Rey…), et n’évoque que très brièvement la seconde génération incarnée par des noms comme Boston Bun. On devine là que le mémoire à l’origine de ce livre devait porter sur le passage de l’undergound au mainstream des musiques électroniques (donc la période de la fin des années 90 à la seconde moitié des années 2000) et non sur une histoire rigoureuse des origines à notre époque du label.
Ed Banger Records : Une histoire des musiques électroniques françaises, c’est un ouvrage de Julia Pialat paru aux éditions Séguier, et si les morceaux de Justice comme les pochettes de So Me vous font l’effet d’une madeleine de Proust, c’est le livre que votre bibliothèque réclame.