Dans huit jours, le festival de Cannes fera connaître la sélection des films en compétition pour la Palme d’or. Un chiffre sera scruté, celui du nombre de films réalisés par des femmes.
Ce chiffre est chaque année tout petit : zéro, un, deux, au mieux trois films réalisés par une femme, dans une sélection officielle qui en compte une vingtaine. Tout le monde avait l’air de s’en accommoder jusqu’au festival 2018, juste après le séisme #MeToo. La profession s’interrogeait enfin sur ce tout petit chiffre pas vraiment raccord avec la proportion de femmes sur la planète. Cate Blanchett, présidente du jury l’an dernier et la regrettée Agnès Varda avaient lu une déclaration commune en haut des marches, entourées de 80 femmes.
En 71 ans, le festival a vu 82 films réalisés par des femmes sélectionnés contre 1700 films réalisés par des hommes (95%). Une seule femme a obtenu la Palme d’Or, Jane Campion pour La leçon de piano, en 1993. Et elle lui avait été attribuée ex aequo avec un homme.
Bref il était temps de chiffrer ces énormités. C’est ce qu’a fait le collectif 50/50 pour la parité et la diversité dans le cinéma. Dans ce collectif on trouve des réalisatrices, des productrices, des distributrices mais aussi des hommes, notamment Jacques Audiard qui s’est fait bien remarquer à la Mostra de Venise en septembre avec ce coup de gueule.
Audiard dénonçait notamment la totale opacité des comités de sélection dans les grands festivals. Jusque-là on ne savait pas vraiment qui sélectionnait les films. Mais grâce au collectif 50/50, les festivals ont signé une charte pour rendre enfin transparents leur comités de sélection et surtout pour les féminiser. Cette année, pour la première fois, le Festival de Cannes a communiqué sur son comité de sélection, il est paritaire : quatre femmes et quatre hommes.
Cela veut-il dire qu’il y aura plus de films réalisés par des femmes en compétition ? Sans doute que non, car le vrai problème n’est pas le nombre de films sélectionnés à Cannes mais le nombre de films réalisés par des femmes. En France par exemple, alors que les écoles comme la Fémis sont complètement paritaires, seulement un quart des films est fait par des réalisatrices. Il y a une sorte de Triangle des Bermudes où disparaissent les femmes réalisatrices, dans un système où elles obtiennent moins de budget, des salaires inférieurs, où elles sont moins représentées aux postes de chef sur un plateau.
Ce sont ces statistiques objectives que cherche à produire le collectif 50/50, non pas pour imposer des quotas, non pas pour attribuer un sexe aux films, ce serait ridicule, mais pour que la profession prenne conscience de ces inégalités et corrige le tir. Pour rappeler aussi l’absolue nécessité du cinéma à refléter la société, tout simplement, ce sera l’un des enjeux de Cannes 2019.
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