Après les grands centres urbains, les espaces de coworking se développent dans des coins perdus… Parfois très perdus. Ça valait bien un coup de fil à Clément Marinos, maître de conférences en économie à l’Université Bretagne Sud, co-auteur d’un article publié sur We Demain, consacré à « l’essor du coworking de l’extrême ».
Depuis quelques années, on voit apparaître dans les grandes villes des espaces de coworking. Que se passe-t-il dans le monde du travail ?
À mon sens, il est en train de se passer plusieurs choses, il y a plusieurs tendances. La part du travail indépendant augmente d’année en année. On a des entreprises qui externalisent de plus en plus, notamment dans le secteur des services. On se retrouve donc avec des auto-entrepreneurs ou des travailleurs indépendants de plus en plus nombreux et dont le bureau se résume souvent à leur ordinateur portable. Ça change la donne, notamment en matière de mobilité. À partir du moment où vous pouvez vous déplacer et êtes libre de vos mouvements, vous pouvez soit fréquenter l’espace de co-working en bas de chez vous, soit aller plus loin.
À partir du moment où vous pouvez vous déplacer et êtes libre de vos mouvements, vous pouvez soit fréquenter l’espace de co-working en bas de chez vous, soit aller plus loin.
« Aller plus loin », c’est l’objet de votre article. Ces travailleurs peuvent travailler depuis des co-workings lointains. Où ça, par exemple ?
J’ai eu l’occasion d’aller en visiter deux. Un dans l’archipel portugais des Açores et un dans l’Algarve, à l’extrême Sud du Portugal. Ce sont des lieux où l’on retrouve ces populations de « digital nomades ». Ça n’est pas forcément des lieux très touristiques, mais ce sont des lieux qui ont des aménités particulières. Vous allez dans les montagnes au pied des volcans aux Açores, vous avez une vue incroyable sur l’Atlantique. Et puis, ça devient votre bureau. J’ai eu l’occasion de rencontrer une jeune Russe qui avait choisi la destination en surfant sur Instagram et qui était installée là depuis trois semaines. Elle vivait avec les portugais et découvrait la vie des Açores, tout en continuant à travailler à distance.
Est-ce la fusion du travail, des vacances et de la retraite ?
À mon sens, il y a une hybridation entre trois éléments. Le premier, c’est le travail. Le deuxième, c’est la découverte, le tourisme et la pratique du loisir. Le troisième, c’est la communauté. Les « digital nomades » sont souvent des voyageurs solitaires, mais on s’aperçoit que dans leurs pratiques, ils apprécient de se retrouver dans ces lieux de « coworkation », comme on les appelle, dans lesquels ils intègrent une communauté.
« Coworkation » c’est un mélange de « coworking » et de « vacation ». Mais est-ce qu’on ne s’y sent pas un peu seul ?
C’est tout le paradoxe. On a effectivement des gens qui cherchent une rupture, à se désancrer et quitter leur quotidien. Et en même temps dans ce paradoxe, on retrouve la volonté d’intégrer une communauté et de rejoindre ses pairs. C’est un schéma curieux.
Le Today’s Special d’Armel Hemme, c’est du lundi au vendredi à 9h30 dans la Grasse Matinale.
Crédits © Getty Images / Richard Levine