Une déclaration d’intention d’une édition qui refuse de se laisser enterrer par l’air du temps ?
Un festival de Cannes ne démarre jamais vraiment avec le film d’ouverture, mais un petit peu en amont, avec la conférence de presse de son délégué général, donnant une première température de l’édition. La météo était clémente ce lundi après-midi sur la Croisette, un peu plus orageuse dans le Palais des festivals au vu de réponses d’un Thierry Frémaux sur la défensive, voire mordant.
Le mot d’ordre aura été scandé régulièrement : on en demande beaucoup trop au Festival. Notamment de ne pas tant y parler de cinéma que de, en vrac cette année : la parité hommes-femmes, le cas Netflix, ou des zones d’ombres du passé d’Alain Delon. On attendra la fin de cette édition pour savoir si le temps des cerises est revenu pour un Frémaux très merle moqueur lors de cette conférence, mais il y a de quoi déjà se demander si plus que jamais, le principal défi de Cannes n’est pas justement le temps.
Qu’on le veuille ou non, en étant devenu l’Alpha et l’Omega de la planète cinéma, ce festival s’étend au-delà des films et de la cinéphilie pour refléter et subir une époque ayant le pied sur la pédale d’accélérateur.
Cannes 2019 sera-t-elle une bonne édition ?
Il faudra attendre que les films présentés ici fassent leurs vies dans les salles et les autres festivals pour s’en assurer. Pour le moment, elle l’est sur le papier, entre autres par les beaux appas d’une compétition associant vénérables réalisateurs (Almodovar, Malick, les frères Dardenne, Loach, Despleschin, Dolan, Bellocchio…) ayant connu les ors cannois et très prometteuses jeunes pousses (Diop, Ly, Hausner, Diao, Triet…) qui monteront les fameuses marches pour la première fois.
Sans compter les deux films confirmés en dernière minute, mais qui ont déjà décroché la palme de l’attraction médiatique, ceux de Quentin Tarantino et Abdellatif Kechiche.
Ces deux revenants au festival clôtureront une compétition qui s’est inaugurée mardi soir avec The dead don’t die, l’inattendue relecture du film de zombies par Jim Jarmusch.
On est loin d’un opus majeur du réalisateur de Ghost dog ou Dead man. Celui-ci reste des plus sympathiques, mais ne sort de l’anecdote que vu dans le contexte cannois : à glisser sous une divertissante série B gore, non seulement une charge contre l’ère Trump mais aussi des échos d’un cinéma indépendant à l’ancienne qui se dissout aujourd’hui, tant artistiquement qu’économiquement dans les nouvelles règles industrielles du cinéma mondial. The dead don’t die, à défaut d’être mémorable, est un choix pertinent de film d’ouverture de Cannes : il rappelle la complexité d’un Festival, malgré lui à la croisée des chemins, entre regard un brin nostalgique sur un cinéma tel qu’il se concevait hier et questionnement de celui tel qu’il se fera demain. À la fois témoin des nouveaux usages de son époque et en résistance contre eux.
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