Le portrait du journaliste et animateur radio irakien dans Néo Géo.
Dans Néo Géo, Raphaelle Pluskwa fait le portrait de Mohammed Maan Abdelkader, acteur de la renaissance de la ville de Mossoul, en Irak.
Mohammed Maan Abdulqader, journaliste et animateur radio, est avant tout un habitant de Mossoul. Et l’histoire récente l’a lié à sa ville de manière indéfectible, à la vie, à la mort. La mort, il y a échappé. À 30 ans, il a pourtant connu trois guerres, a vu sa ville quasiment entièrement détruite et devenir la capitale du califat islamiste. Il a vu des familles déchirées, des enfants morts sous les décombres, le patrimoine architectural brisé. Mais il fait tout pour la reconstruire et la ramener à la vie.
Trois guerres endurées, et une bataille à mener
À l’été 2014, quand Daech s’empare de la ville, tous les moyens de communication sont coupés. Les habitants se retrouvent dans une prison à ciel ouvert. Seuls les émetteurs radio continuent de fonctionner : les islamistes diffusent leur propagande via les ondes d’Al Bayan, unique source d’information autorisée. Mohamed, réfugié dans la ville voisine d’Erbil, à 40 km de Mossoul au Kurdistan Irakien, brave l’interdit, au nom de la liberté, et fonde sa propre radio, radio Al Ghad, « radio demain » en arabe.
Une radio qui diffuse clandestinement et fait courir le risque d’une exécution à tous ceux qui l’écoutent. Mais une radio qui diffuse des informations vitales, comme la couverture des opérations militaires et des combats pour la libération. Et aussi, des programmes pour alléger la vie des gens, leur donner espoir en des lendemains meilleurs. Il en faut.
Ils arriveront bien plus tard, ces fameux lendemains, quand enfin Mossoul est libérée, au mois de juillet 2017. Mohamed est aux premières loges et découvre le spectacle infernal laissé par Daesh. Il aimerait se croire dans le décor d’un film. Aucun édifice n’a été épargné. L’une des villes les plus anciennes du monde ressemble à un tas de pierreS. Sous les décombres, les survivants cherchent leurs morts. À ce moment-là, l’urgence c’est la reconstruction. Mohamed quitte Radio Al-Ghad pour s’y consacrer entièrement. Aux côtés de nombreux citadins, il retrousse ses manches, déblaie, nettoie, répare.
Aujourd’hui, au cœur de la vieille ville, Mohamed est en train de rénover une demeure historique vieille de deux siècles. Il y a installé le siège de son association de réconciliation intercommunautaire, et compte faire de cet endroit un lieu de préservation du patrimoine et un lieu de partage. Dans quelques mois, il lancera une nouvelle radio, Radio Aujourd’hui. Qui pourra émettre librement, des programmes culturels, historiques. Et rendre à la ville sa musicalité. Car Mossoul est un haut lieu de la musique arabe. Si les islamistes ont tenté de la bannir, en renversant par exemple la statue de Mulla Uthmane al-Mawsili, virtuose irakien et figure de la ville, ou en détruisant tous les instruments qu’ils pouvaient trouver, ils ont échoué. La statue est en train d’être reconstruite, et le « maqâm » résonne.
Mohamed aime à dire qu’à Mossoul, les chansons s’écrivent à plusieurs mains. Aujourd’hui, c’est la ville-même que l’on reconstruit à plusieurs mains, et celles de Mohamed sont précieuses.
Le Néo Géo du dimanche 19 mai, c’est en podcast.
Visuel © Radio Nova, © Victor J. Blue/Bloomberg