Chaque semaine, Radio Nova met un coup de projecteur sur un titre et son clip, aujourd’hui « Bengue » de Blick Bassy.
Le 26 mai 2023 sortait le cinquième album de l’artiste camerounais Blick Bassy. Un projet engagé titré Mádibá (traduisez « eau » en douala), dédié à cette ressource vitale et à sa préservation. Un album en référence aux problématiques d’accès à l’eau et une manière pour l’artiste d’aborder des sujets graves à travers sa musicalité poétique. Le clip de « Bengue », premier morceau du projet, nous plonge dans l’univers d’un album saisissant où l’on se laisse envouter par la voix du chanteur.
Blick Bassy a frappé un grand coup et s’est entouré de sacrés talents, notamment de la danseuse Stencia Yambogaza que l’on retrouvait déjà dans le clip « Noctuzook » de Rad Cartier. Pendant 3 minutes et 47 secondes, celle-ci impressionne par une chorégraphie désarticulée qu’elle performe au milieu d’un bâtiment industriel grisâtre.
D’abord immobile, la danseuse assoiffée froisse d’un geste désespéré une bouteille d’eau vide. Un liquide bleu pétrole s’échappant de sa tempe marque le début de la danse. Au fil des mouvements, le miasme visqueux finit par engluer la quasi-totalité de sa peau. Le corps se débat, l’urgence s’empare de Yambogaza. Chancelante, la danseuse perd le contrôle de ses gestes et succombe peu à peu. Un temps de silence… une pluie fine… puis une averse vient rompre la sécheresse alors que la voix aérienne de Blick Bassy reprend ses envolées. La danseuse est purgée, libérée.
En un clip, tout est dit. Le corps d’abord léger qui ne cherchait qu’à s’exprimer se retrouve piégé par la lourdeur d’une substance asphyxiante. Puis l’or noir se désintègre grâce à la pureté d’une eau libératrice. La caméra flottante du jeune réalisateur Émile Moutaud parvient à apporter grâce et délicatesse au décor cendreux et apocalyptique du clip. Une sublimation de la délivrance derrière un filtre aux teintes bleutées, qui accompagne avec justesse la voix élévatrice de Blick Bassy.
« Bengue », un clip puissant et poétique, s’inscrivant dans la continuité du discours de l’artiste qui nous confiait à la veille de la sortie de son album : « Consacrer mon album à l’eau, a été un moyen de parler du vivant, mais aussi de nous réintégrer dans la chaîne du vivant ».