En attendant le palmarès, il y a déjà un grand gagnant à Cannes 2019 : le cinéma du Maghreb.
C’est bientôt l’heure des pronostics pour le palmarès, mais aussi déjà un peu celle des bilans pour la 72e édition du Festival de Cannes. Les projections se raréfient à vue d’œil, les sections parallèles ont commencé à fermer leur ban. Et déjà chez les critiques, des questions traditionnelles « Alors, c’est quoi ta palme ? » « Bon t’en retiens quoi de cette édition ? ».
À la première, il est encore trop tôt pour répondre : il reste encore quatre films (Mektoub my love, Intermezzo, le Kechiche – que beaucoup remercient déjà d’avoir réduit à 3h28 en lieu et place des 4 heures annoncées -, Le traître, incursion dans la mafia par Marco Bellocchio, Sybil, nouvelle étude du féminin après Victoria, par Justine Triet et It must be heaven d’Elia Suleiman) à se lancer dans la compétition. Et comme l’une facéties récurrentes du festival est de souvent garder ses meilleures cartouches pour la fin, tout reste ouvert…
C’est plus simple pour la seconde question. Pas pour distinguer un film sorti de nulle part qui serait une immense révélation, mais la résurrection d’un territoire de cinéma. Personne n’aurait misé sur un retour en force des productions du Maghreb, mais c’est bien cette partie-là du monde qui s’est imposée cette année avec un quatuor de film épatants.
Regards vers le passé algérien
À commencer par ceux qui regardent d’aujourd’hui le passé de l’Algérie. Abou Leila et Papicha se déroulent pendant les sombres années 90 du pays, pour leur résister. Amin Sidi Boumediene et Mounia Meddour font partie d’une génération née à la fin de cette période, mais leurs films y retournent, pour un road-movie hallucinatoire (Abou Leila) ou une chronique adolescente (Papicha). D’un côté deux hommes à la poursuite d’un prétendu terroriste, de l’autre des étudiantes face à la montée de l’islamisme. Dans les deux cas pour une même vision lumineuse d’une époque noire, histoire de conjurer l’éventuel mauvais sort qui pourrait de nouveau s’abattre sur un pays reparti en révolution populaire ?
Adam préfère la douceur à la rogne pour parler de la condition féminine au Maroc via l’amitié entre deux femmes, une mère endeuillée et une qui va bientôt l’être mais pense déjà à abandonner son fils. En les faisant se serrer les coudes, Maryam Touzani, vise les restes encore trop prégnants d’une société patriarcale. Si Adam charme par sa tendresse, Tlamess fascine par ses expérimentations méditatives pour suivre un déserteur tunisien retournant à un état quasi sauvage. Plus il se perd de vue, plus Ala Eddine Slim pousse le scénario de son film vers un envoutant nomadisme.
Avec ces quatre films (sans compter Le miracle du saint inconnu, issu de la même zone mais plus mineur dans la forme comme dans le fond), la méditérannée et ses avis de tempête se sera invitée à Cannes au-delà des plages.
Visuel © Photocall Papicha Getty Images / Daniele Venturelli / Contributeur