Gonjasufi est un ovni de l’industrie musicale… Essayons d’en savoir un peu plus sur celui dont la légende raconte qu’il vendait son sang pour se payer sa drogue.
Gonjasufi on l’aime. En 2010, son A Sufi & a Killer sorti chez Warp a fait l’effet d’une bombe. Radical. Oscillant entre hip-hop, trip-hop, dub, ethio, rock garage, punk, rien de tout ça et tout ça à la fois, les textures dures et sa voix friturée ont désarmé tout le monde. Ni fade in, ni fade out, pas plus de pincettes, ses morceaux arrivent sans prévenir, se syncopent à bâtons rompus, et repartent sans dire au revoir.
Devinez quoi, le gourou vient de remettre ça avec un nouvel album brut (24 minutes en tout) : « Mu.zz.le ». Du coup il est passé se raconter aux micros de Mélanie Bauer et d’Isadora Dartial. Et définir les contours de l’espace dans lequel il évolue.
Ma réalité, c’est le désert, et ce, chaque jour que Dieu fait
Gonjasufi c’est un musicien californien qui « lutte pour faire des trucs bien« . Ancien surfeur, ancien drogué – Du Sufi dans le texte. Son nouvel album ? Peut-être son oeuvre la plus personnelle. Jusqu’à la prochaine. Voix rocailleuse, toujours aussi envoûtante, Gonjasufi parle musique, bien sûr, mais surtout espace et spiritualité. En quête d’éternel, de voyages et de pensées. On n’attendait rien d’autre de lui.
Mu.zz.le est un album spécial, à la fois rude et intime. Produit intégralement par Gonjasufi, il livre pour la première fois les frustrations de l’artiste. À froid, en rythme et tout en émotions. Il a travaillé longtemps pour ce résultat. La légende veut qu’il vive dans le désert, sans eau et électricité. Dans le désert de Mohave exactement, là où pionçait feu captain Beefheart. « Je ne sais pas d’où cela vient. J’ai des enfants, je subviens à leurs besoins, je fais du yoga, leur apprends la musique. Je ne vis pas dans une caravane ni dans un bunker à six pieds sous terre, mais il est vrai, j’ai besoin d’espace. Ma réalité, c’est le désert, et ce, chaque jour que Dieu fait« .
La religion est la base même de sa musique. Il ne croit pas pour autant aux dogmes. Plus à une spiritualité, à « une manière de se comporter. D’être seul, face aux autres« .
Ce pourrait être un cliché – le triptyque tignasse / ganja / envolées spirituelles – mais chez Gonjasufi, le combo se traduit en créativité pure. En créations dures. Sa musique n’est pas que de la musique, c’est aussi de la matière. Spatiale et palpable. Emotionnelle. Voilà, pourquoi il a besoin d’espace, de vivre dans le désert, d’écouter du son fort (son garage est remplie d’enceintes et il a la phobie des écouteurs), ou encore d’évoquer des images avec ses sons en reliefs.
Est-ce que c’est l’image ou le son qui vient en premier ? « Tout. Mais avant tout l’espace. Voyager à travers les morceaux à la vitesse de la lumière. Je recherche le feeling, la connexion au cosmos, à l’espace, à l’infini. L’infini est partout. Dans notre corps, à l’extérieur, à travers, au delà, entre le coeur et l’esprit« .
Un peu comme sa musique, qui touche. « Un miroir de l’âme » – comme il aime la définir. Une boucle entre toutes les dimensions. Un repère infini de rythmiques éternelles. Et cet espace, de son public imaginaire aux frontières du désert de Mohave, lu est simplement vital.