À Bréal-sous-Montfort, quelque part entre la forêt de Brocéliande et Rennes, se déroulait le Festival du Roi Arthur. Une programmation généraliste pour ce “festival de légende”, mais aussi de belles découvertes, avec Zaatar et VBK, Red Cardell, la DJ Gaya et le digger druide Jim Irie.
De Monty Python : Sacrée Graal ! à la série Kaamelott, d’Excalibure (l’épée bloquée dans la pierre) aux chevaliers de la table ronde… Tout le monde a déjà entendu parler de la légende Arthurienne. Son histoire et ses protagonistes ont influencé des dizaines de films (notamment hollywoodien) et autant de séries. C’est en Bretagne dans la forêt de Brocéliande que semblent s’être déroulés les événements. A Paimpont, on peut même visiter le tombeau de Merlin l’enchanteur ou encore se balader sur les chemins du Val sans Retour où errent les âme de Lancelot, de la fée Morgane et des korrigans. La légende du Roi Arthur est l’une des plus iconiques dans son genre. Depuis 15 ans, un festival porte même son nom, et pas de doute, ici à Bréal-sous-Montfort, nous sommes plongés dans l’aura de la Bretagne et de ses légendes.
Lancelot et Excalibur sont d’ailleurs les noms des deux grandes scènes du festival… Épique. Entre les chapiteaux du King Dôme et de la Kouign Zone (vous l’avez ?), une épée géante… Magique. La signalétique du festival, elle, est en breton (bien que nous soyons dans une région où la langue est de tradition gallo) et les Gwen Ha Du (l’universel drapeau blanc et noir breton) flottent de partout, arborés par le public et certains artistes comme Julien Grasnel.
La fête et les festivals, la musique et les danses, le chauvinisme, c’est ça la culture et le folklore bretons. Et qui de mieux qu’un DJ et disquaire avec un air de druide pour nous en parler ?
Le dimanche, en ouverture de la Kouign Zone (la scène club et défricheuse du festival), nous rencontrons le plus breton des Parisiens. Son nom ? Jim Irie. C’est un DJ, membre du label Disco Matin et ancien journaliste musical passé par Nova, un digger et un dealer de disque (notamment celui du label DKO, La Mamies et beaucoup d’autres). Il commence cette journée du festival par un mix thématique “sieste bretonne”. Une fine sélection vinyle des années 70 (on vous recommande de sa sélection, le groupe Avel Nevez), des musiques traditionnelles plus obscures, des harpes mixées sur des poèmes et des CD d’artistes bretons des années 80’, 90’. “L’année dernière, j’ai vécu un des plus beaux moments de ma carrière quand j’ai réussi à faire danser des personnes âgées et des jeunes en même temps sur de la musique de Fest Noz”, nous dit cet habitué du festival.
“Le roi Arthur, c’est la quête de soi-même, comme la quête du Graal.”
Un DJ parisien fan de musique bretonne, ça peut paraître étonnant. Son attachement lui vient de ses ancêtres qui habitaient une ville non loin de la forêt de Brocéliande. Pour lui : “la Bretagne est magique, sa musique est mystique, féerique et mélancolique, souvent rythmée d’envolées lyriques.” Jim Irie a l’habitude de réaliser des mixs de musique bretonne lors de ses résidences sur Rinse (on vous recommande Dig In Brocéliande, ou encore le disque Le Roi Arthur de Christopher Laird). En tant que bon DJ, il est aussi alerte sur la riche scène actuelle et nous cite des producteurs comme Transe Ar Gwez ou René Dangers, fleuron de la scène qui modernise la musique traditionnelle bretonne.
Le Festival du Roi Arthur, c’est un public à 70% Brétilliens (habitants du département d’Ille-et-Vilaine), un public très jeune attiré par les têtes d’affiche, et un public plus âgé qui s’y retrouve plus sous le King Dôme.
Ce dernier est une nouvelle scène du festival, dédiée aux musiques celtiques : des groupes irlandais, bretons, beaucoup de groupes de rock celtique, et surtout des farandoles multigénérationnelles de danse bretonne.
Un groupe breton a particulièrement réuni son monde sous le chapiteau cette année : les Red Cardell (du breton “Kardell” qui veut dire fumier). En 30 ans de carrière et 23 albums, le groupe a marqué toute une génération des années 90 (et leurs enfants) en pleine période alternative. Le chanteur du groupe Jean-Pierre Riou nous parle de l’influence de la musique bretonne sur le groupe : “La musique traditionnelle bretonne c’est la matière du groupe, on emprunte ses codes, ses thèmes mélodiques et rythmiques pour que les gens puissent danser sur du Plinn, Kost ar c’hoat, Kas ah bar, Andro, etc.”. Le groupe collabore régulièrement avec des Bagads (formations musicales à base d’instruments traditionnels de Bretagne : bombardes, cornemuses, binious) et ont d’ailleurs récemment collaboré avec le bagad de Quimper.
Quand on lui demande sa relation avec Le Roi Arthur et les légendes bretonnes, pour lui “Le Roi Arthur c’est les films américains des années 50 et 60, avec Richard Thorp et Robert Taylor, des films comme Les Chevaliers de la table ronde ou Ivanoé, tournées en technicolor. Ce que j’aime dans les légendes, c’est qu’il y a toujours une part de réalité. Elles ont beau avoir été modifiées et réinterprétées avec le temps, mais il y a toujours du vrai. Elles ont un intérêt parce qu’elles parlent des gens, du social”.
Les reines de la Kouign Zone
Durant ce week-end où nous nous sommes plongés dans le folklore breton, nous croisons Merlin en chair et en os en train de trinquer avec un festivalier en Kilt. Un B2B qui se joue à la Kouign Zone attire notre attention. Deux noms déjà connus de la scène électro : la DJ et productrice VBK en duo avec la belgo-marocaine ZAATAR. Elles font toutes les deux partie du collectif Laisse Tomber Les Filles, mais mixent ensemble pour la première fois sur une aussi grosse date.
D’un côté, l’EBM et la Bass Music de Zaatar, de l’autre la Techno Mental de VBK. Un assemblage entre le corps et l’esprit. Le challenge de ce duo est plutôt réussi puisqu’il fera danser le chapiteau pendant près de 4 heures de mix.
Nous prenons le temps de leur poser des questions sur le Roi Arthur. Pour VBK, Arthur, c’est Kaamelott et ses personnages iconiques, mais c’est plus généralement une fascination pour les créatures hybrides comme les minotaures.
Quant à elle, Zaatar fait le lien de la légende du Roi Arthur avec les mythes grecs (par exemple) qui ont une forte influence dans les pays méditerranéens. Les légendes l’inspirent aussi : “J’adore les péplums et leur musique épique et cinématique, cette énergie, j’essaye de la retranscrire sur mes productions”. On pourra très certainement retrouver cette influence sur son prochain EP à paraître sur le label Dischi Autunno de Jennifer Cardini en attendant, vous pouvez écouter son dernier single Talk Talk sorti sur le label Ritmo Fatale.
Après avoir fait du patin à roulettes et tiré les cartes dans la caravane de La Fête à Toto à la Kouign Zone, nous découvrons la DJ Gaya (reine de la terre dans la mythologie). Gaya c’est un surnom qu’on lui donnait petite. Elle s’appelle Gaël et vient du Liban. Elle est basée depuis 2 ans à Nantes et s’est déjà fait adopter par la scène locale (Bass, Drum’n Bass et Break) en intégrant notamment le collectif Contre-Temps.
Elle commence le Djing à 14 ans dans les bars de sa ville natale Zahlé, puis avec le temps, elle se produit à 17 ans dans le fameux club/Bunker de Beyrouth BO18. Neuf ans après ses débuts, elle joue pour la première fois à Rennes et c’est une réussite.
Après son set, nous lui demandons de nous raconter une légende ou une histoire venant du Liban et qui l’a marqué.
Elle nous parle alors du tragique événement d’août 2020 lorsque Beyrouth a subi deux explosions qui ont soufflé le port. “Ça a impacté, tous les clubs à côté qui étaient aux abords du port et qui ont été détruits. Il n’y avait plus de place pour performer. J’étais déprimé et pourtant il y a eu une solidarité entre les artistes. C’était beau parce que les gérants des clubs ont lutté contre ce drame en continuant de faire des événements dans les forêts (avec l’appui du gouvernement). C’était tragique, mais magnifique à la fois. Ça a beaucoup de sens pour moi”.
Les anti-héros de The Blaze
Parmi les têtes d’affiche, les deux cousins de The Blaze. Depuis 2018, et la sortie du majestueux album Dancehall, The Blaze a trouvé sa signature avec une musique planante et des clips à la réalisation imparable : Territory filmé à Alger ou encore Dreamer à Dakar et plus récemment le clip The Madly.
Quand on leur demande si la Bretagne pourrait faire partie d’un lieu de tournage pour un prochain clip, ils nous répondent que cela aurait pu l’être pour le tournage de leur dernier clip “The Madly” mettant en scène des étudiants qui vont en free party. “On sait que la Bretagne est une terre de free party et de Rock aussi. On aurait carrément pu tourner la scène de la free en Bretagne pour le dernier clip.”
Concernant l’influence des mythes et légendes pour la réalisation de leur clip, les deux artistes nous expliquent : “On n’utilise pas vraiment les codes des légendes et de la mythologie dans nos clips. On peut même dire que l’on a un aspect antihéros parce qu’on en avait ras-le-bol des clichés avec des mecs bodybuildés ou des femmes sexualisées où l’artiste se met en scène devant. Notre univers, ce sont les gens que l’on ne voit pas habituellement dans les clips. On a tourné avec des gens du voyage ou avec des habitants de Dakar, d’Alger. On montre des personnes avec une lumière différente, avec poésie. Ce sont des héros de l’ombre donc il y a cette dimension antihéros”
Pour conclure sur ce week-end en Bretagne où l’on a pu trinquer avec Merlin, chanter et danser en ronde avec des adolescents et des anciens. Mention spéciale tout de même, à la performance légendaire de Miel de Montagne qui finira en slip sur la scène Lancelot et celle du Sénégalais Faada Freddy et de son groupe (presque) a cappella. C’est en mettant l’accent sur le folklore et l’aura de la Bretagne (avec quelques clichés) que le festival du Roi Arthur a réussi à nous replonger comme des gosses dans les légendes arthuriennes. Au-delà du folklore et des grosses têtes d’affiches, nous avons quand même pris notre pied sur la Kouign Zone et le King Dôme. Et on vous l’annonce, la musique bretonne n’est pas désuète, le biniou c’est sexy et la relève niveau scène musicale est assurée. Ma doué, qu’est-ce qu’on l’aime la Bretagne.