Avant toute chose, permettez-moi une petite divagation personnelle – et si vous ne me le permettez pas, sautez donc un ou deux paragraphes plus bas, vous en serez soulagé.es.
Découvrir un morceau, c’est souvent un part de chance, de hasard, de sérendipité. Ça ne se fait pas toujours en empruntant les chemins purs et parfaits du magistère critique, en fouillant pendant des heures les bacs des disquaires, en lisant les excellents bouquins d’Allia ou du Mot et le Reste, en guettant les articles de Gonzaï, Section 26 ou , en feuilletant Libé et Rock & Folk, ou en restant branché H24 sur Nova – même si ça aide, indéniablement.
Ainsi, où ai-je donc connu le si fascinant « Cars » de Gary Numan, tout en hiératisme de la cyberzone ? Dans le niveau russe d’un jeu de snowboard. L’entêtant roulis mento du « Day-O (Banana Boat Song) » d’Harry Belafonte ? Par une tangente improbable : une parodie sur une cassette audio des Schtroumpfs. Quant à « A Town Called Malice », cette ritournelle irrésistible des Jam est entrée dans mes tympans via la bande-son de FIFA Football 2004, jeu qu’alors – j’avais dix ans – je ponçais sous toutes ses coutures, gâchette d’accélérateur et frappe en lucarne, à en faire crier grâce à ma vieille Playstation.
Pourquoi donc cette évocation nostalgique ? Parce que le nom de Paul Weller est de ceux qui font ressurgir une flopée de souvenirs : ceux des Jam – ces Kinks du punk – pour les uns, de Style Council pour les autres, d’un séjour linguistique en Angleterre ou des premières passerelles jetées entre punk-rock et soul.
Pourtant, le « Modfather » – joli surnom – n’est pas engoncé dans une nostalgie chloroformée. On ne l’a pas vu, comme tant d’autres, braquer la banque en flattant la courte-vue du « c’était mieux avant » ; la reformation de The Jam l’a ainsi laissé indifférent. Cet irréductible mélodiste, silhouette mince, regard aigu et perspicace, préfère ne suivre qu’un seul chemin, le sien, virant quand ça lui chante du classicisme invétéré au modernisme audacieux, avide de figures inattendues. De la folk so british à la soul synthétique, de la powerpop effrénée qui resserre les boulons aux mutations pop ne fermant aucune porte, les accointances et variations de Paul Weller n’ont eu qu’une seule martingale : préserver la flamme mod.
« La culture mod, expliquait-il ainsi à nos confrères de Télérama en 2015, c’est un look intemporel mais c’est aussi une manière d’observer les choses, de s’adapter au temps présent, au monde qui nous entoure. C’est une sorte de philosophie moderne. C’est de là que je viens, de cette culture ancrée dans la psyché anglaise, qui fait partie de notre ADN. C’est issu de la génération des gamins de l’après-guerre, qui voulaient en finir avec l’ancien monde ; ils voulaient embrasser tout ce qui était nouveau, en terme de mode, d’identité, de musique, d’art, de films, à tous les niveaux. Mods, ça vient de modernistes. Le mot vient lui-même des fans de jazz, là où il y avait alors la musique la plus futuriste. Et puis ça a été repris, adapté au fil des décennies. Ces principes modernistes demeurent vraiment en moi dans ma volonté de faire une musique actuelle, une musique du XXIe siècle. »
Des arrangements musicaux qui varient, un style et une pensée – mod – qui restent : voilà le modus operandi, digne du Guépard de Tomasi di Lampedusa, de ce « Changingman » (titre d’un de ses morceaux de 1998), père spirituel de Damon Albarn – avec lequel il a repris dernièrement les Beatles. Avec ce mélange consommé d’engagement et de détachement, de flegme proverbial et de flamme inextinguible, Paul Weller continue de déployer, presqu’un demi-siècle après ses débuts, une célébration d’une certaine idée élancée de l’écriture pop, alliant soul ricaine – celle de Jon Lucien, d’Arthur Conley ou Curtis Mayfield -, tonicité britpop et enracinement working class, triforce sans cesse réinventée, toujours différente, toujours la même.
Il faut dire que pour ça, le bonhomme a de quoi faire en réserve, en érudit aux goûts éclectiques dirigés selon le fameux aphorisme de Wilde (« des goûts simples : je me contente du meilleur »). On a pu apercevoir un échantillon de ce musée imaginaire sur la pochette de l’album Our Favorite Shop , période The Style Council, en 1985 ; un memorabilia où Al Green voisine avec Marleen Dietrich, les Beatles avec Kenny Burrell, le magazine Rave avec un T-shirt à l’effigie d’Otis Redding, un porte-cravates, une nouvellisation du Prisonnier et même un maillot de l’équipe cycliste Ti-Raleigh.
Et pour donner le ton, la première partie sera dévolue à Maxwell Harrington & Le Superhomard, artisans doués de la chose pop dans ce qu’elle a de plus subtil, gracieux et chiadé ; un duo de folk baroque méticuleuse, de chamber pop délectable, qui de surcroît s’est vu coiffer de quelques compliments par Weller en personne, et l’a même remixé (avec le titre « On Sunset »).
Voilà donc une soirée qui promet bien de l’agrément. Indice supplémentaire : le concert affiche d’ores et déjà complet, les connaisseur.ses s’étant précipité.es sur les guérites. Mais la Radio Nova Bordeaux vous a dégoté quelques billets exceptionnels, rien que pour vous. Ils se décrochent ci-dessous avec le mot de passe Nova Aime.