Le français Stéphane Costantini et le sénégalais Mara Seck réinterprètent les rythmes ancestraux du sabar sous un jour électronique.
L’électro-sabar résonnera aux Trans Musicales de Rennes en décembre 2019 ! Le duo Guiss Guiss Bou Bess est annoncé parmi les 15 premiers noms de la programmation. Rencontre avec Stéphane Costantini et Mara Seck.
Guiss Guiss Bou Bess, littéralement « Nouvelle vision » en wolof, c’est le jeune projet de Stéphane Costantini, compositeur et beatmaker, et Mara Seck, chanteur, percussionniste et danseur. Un mélange explosif de beats électroniques et des rythmes ancestraux des sabars, une polyrythmie qui mène presque à la transe.
Stéphane Costantini est musicien mais pas que. Docteur en Sciences de la Communication et chercheur associé à l’Université Paris 13, il s’installe à Dakar en 2015 pour un projet de recherche sur le crowdfunding en Afrique. C’est là qu’il fait la connaissance de Mara Seck, fils d’Alla Seck, danseur et parolier du groupe de Youssou NDour, et héritier par sa mère des Sing-Sing, grande famille de griots dakaroise. De leur rencontre naît l’envie de s’inscrire dans l’héritage musical traditionnel sénégalais tout en le rendant accessible à un public plus large. Ils ont l’ambition de créer des ponts entre les rythmes du sabar, ces percussions sénégalaises de bois dont la membrane est en peau de chèvre, le mbalax, musique populaire du Sénégal, et le beatmaking électronique.
Ça fait une polyrythmie ultra riche pour les oreilles d’un occidental ! C’est un truc incompréhensible, un gros magma sonore.
Tout a commencé quand Mara, qui travaillait alors sur un premier EP de pur mbalax, fait écouter ses morceaux à Stéphane. En découvrant le projet, ce dernier est un peu perdu. Sur certains morceaux, il y avait 17 pistes de sabar, toutes en même temps. « Ça fait une polyrythmie ultra riche pour les oreilles d’un occidental ! C’est un truc incompréhensible, un gros magma sonore », explique Stéphane. Le sabar a une très grande amplitude, qui fait saturer les micros, ce qui est assez compliqué à gérer pour la musique amplifiée. Il décide de ne pas remixer ces sons mais de les intégrer dans une rythmique électronique. « On adapte l’électronique au sabar, et pas le contraire. Le contraire, c’est compliqué ! ». Après un essai concluant sur un premier morceau, ils décident de poursuivre, Guiss Guiss Bou Bess est né.
Ils enregistrent un premier morceau, « Jigueenu Africa », inspiré de la rythmique de la famille griotte Sing-Sing. Puis suit « Thieb Bou Dub », titre qui fait référence au plat traditionnel sénégalais, le Thie Bou Dienne, mais qui est aussi le nom d’un des rythmes de sabar les plus communs et les plus joués, un rythme très rapide, dansant.
« Moi quand je joue, je suis haut, je suis en transe, ça m’emmène très loin. Il faut me voir sur scène pour comprendre ce que je dis, mais le sabar, c’est vraiment très mystique ».
Car le sabar désigne à la fois un instrument de percussion et une danse, les deux interagissant, dans un véritable échange entre le percussionniste et le danseur. « Dans le sabar de rue, dans mon quartier à Médina, pendant les mariages ou les baptême, quand un danseur entre et se met à danser, ça pousse le percussionniste, ça lui donne la force ! », raconte Mara. Au Sénégal, le sabar est l’instrument des djin, des esprits. On le joue dans des cérémonies de transe, pour soigner les gens malades, et à l’époque, pendant les cérémonies pour élire les rois. C’est un instrument mystique. Mara témoigne : « Moi quand je joue, je suis haut, je suis en transe, ça m’emmène très loin. Il faut me voir sur scène pour comprendre ce que je dis, mais le sabar, c’est vraiment très mystique ».
Le duo Guiss Guiss Bou Bess est monté sur scène pour la première fois il y a deux ans, à Dakar, et depuis, ils ont déjà beaucoup tourné. Au Cap-Vert à l’Atlantic Music Expo en avril dernier, à Paris, à Lille, où Stéphane s’est installé, en Belgique, en Suisse, en Allemagne… Plus récemment, ils ont inauguré la Villa Ndar à Saint-Louis (Sénégal) aux côtés du duo afro-pop-electro-tribal de Germaine Kobo et Bella Dawson, qu’ils ont retrouvées à Marseille sur la scène du festival Africa Fête le 15 juin dernier. Et ils viennent d’apprendre une excellente nouvelle: ils sont annoncés à l’affiche de la prochaine édition des Trans Musicales de Rennes.
Leur premier EP Heritage est sorti le 2 juin sur le label Helico Music, et un album est attendu pour le mois de Novembre. Guiss Guiss Bou Bess, une « nouvelle vision » qu’on ne perdra pas de vue !
Propos recueillis par Bintou Simporé.
© Radio Nova, © Capture d’écran Youtube – Clib de « Thieb Bou Dub »