Il va falloir mettre toute une cité HLM sens dessus dessous pour préparer la recette chérie.
Dès son titre, Linda veut du poulet ! affiche une particularité. Il y a un point d’exclamation qui a toute son importance quand il se fait impératif. En l’occurrence qu’une gamine, Linda donc, puisse avoir, quoiqu’il arrive dans son assiette, du poulet. Mais pas n’importe lequel, celui aux poivrons que cuisinait son père, décédé. Alors sa mère va se lancer à la recherche des ingrédients, sauf que c’est jour de grève générale. Il va falloir mettre toute une cité HLM sens dessus dessous pour préparer la recette chérie. Quitte à embarquer dans l’histoire, des copines, une mamie, un livreur à vélo, un fermier et même un policier.
Mine de rien, le dessin (très) animé de Sébastien Laudenbach et Chiara Malta compose, avec cette galerie de personnages, un étonnant panel d’une France actuelle. Chacun est repérable par une couleur distincte, mais la teinte sociale est jaune gilet, tant Linda veut du poulet ! raconte l’énergie que demande la démerde dans une époque précaire. Elle se ressent jusque dans cette animation à la main, vibratile, à l’image d’un film aussi créatif qu’éruptif, à la fois d’une évidente simplicité et d’une totale densité. Derrière la bourrasque de cette folle journée, surgit par moments la rogne d’une mère qui ne sait plus comment joindre les deux bouts quand ce n’est pas la mélancolie d’un deuil inachevé qui vient ponctuer un aérien sens de la comédie loufoque.
Une parfaite palette de nuances qui ajoute du pigment à celle des couleurs pastels. Curieusement, c’est la piteuse récente cérémonie d’ouverture de la coupe du monde de rugby qui vient en tête : là où elle se voulait hommage chromo à la France béret-baguette, Linda veut du Poulet ! vise bien plus juste avec une vision en coupe aussi enjouée que pertinente de l’actuelle France d’en bas, celle qui en a à la fois ras la casquette mais sait rester solidaire. Tout le monde se souvient de l’apparition étrange d’un comédien déguisé en coq lors de cette cérémonie, on peut, et de très loin, lui préférer ce poulet survolté qui vole joyeusement dans les plumes de la morosité ambiante.
Sortie le 18 octobre
Une chronique d’Alex Masson