Programmateur de Nova le jour, bidouilleur producteur la nuit, Max « Blundetto » Guiguet est un grand adorateur de soul jamaïcaine.
Retour sur notre rencontre avec Blundetto, homme de l’ombre, tantôt caché derrière les manettes de la prog Nova, tantôt caché dans son studio d’enregistrement, à triturer ses prods sur lesquelles il fera poser ses voix préféres… Bref, il s’tait caché.
Quelques semaines avant la sortie de son second album, « Warm My Soul », Blundetto proposait sur son site une mixtape, en téléchargement gratuit. « Voices of Jamaica » compile et mixe 55 minutes des plus jolies pages de l’histoire d’amour entre le producteur parisien et la soul de la petite île des Caraïbes.
Novaplanet est allé rencontrer le musicien sur son lieu de travail.
Ce qui me touche, c’est quand ces voix chantent l’amour, les peines de coeur, ce genre de choses
Pour être tout à fait honnête, nous n’avons pas eu à aller bien loin. Derrière le pseudo emprunté à la série « Les Sopranos » se cache tant bien que mal Maxime Guiguet, programmateur de Nova depuis une dizaine d’années (accompagné par son fidèle second, Emile Omar). Descendre l’étage qui sépare le bureau de Novaplanet (le QG, comme on l’appelle ici) au bureau de Max a été l’affaire d’une trentaine de secondes.
Il ne s’agit pas de la première mixtape de Blundetto. Avant la sortie de « Bad Bad Things » en 2010, le producteur avait déjà partagé trois volumes de « No ID, No Entry » (voir ici), remarquables mixes groove soul naviguant entre MF Doom et Ike Turner, Ennio Moricone et Gonjasufi, Marvin Gaye et Shawn Lee, Prince of Ballard et John Holt, El Michels Affair et Allen Toussaint. La soul au sens très large.
Blundetto aime bien les mixtapes ; estime que le mix, c’est une bonne façon d’écouter de la musique, chez soi ou dans son IPod. Que ce soit celle d’un ou de plusieurs artistes, d’un ou de plusieurs styles. Après avoir tapé la grande famille de la soul sans frontières de genres ou d’époques, il a donc décidé de s’attaquer à la Jamaïque avec « Voices Of Jamaïca », disponible depuis quelques jours à peine.
« Mais pour moi le reggae, c’est de la soul. C’est la soul de la Jamaïque, c’est tout. D’ailleurs le reggae, à l’origine, dans les années 60-70, ce ne sont que des reprises de standards de soul reprise à la jamaïcaine. Moi je ne suis pas branché rastafarisme ou vert-jaune-rouge. Je me sens plus concerné par les grands thèmes universels : ce qui me touche, c’est quand ces voix chantent l’amour, les peines de coeur, ce genre de choses… C’est le fil commun de tous ces morceaux : c’est de la soul ».
La Jamaïque, il y est allé pour la première fois l’année dernière (avec l’équipe Nova, chez Chris Blackwell, le fondateur d’Island records). « Ca m’a assoupli l’oreille de voir comment ça se passait sur place. J’étais un peu fermé, concentré sur un style très roots, rocksteady… reggae à la limite, mais coincé dans un certain style de production et d’années ». Comprendre : Max ne jurait que par le roots. « La claque que j’ai prise là-bas, c’est l’omniprésence de la musique. Il y en a partout, tout le temps. Les gens aiment et vivent avec la musique. Ils la consomment tout le temps. Le soir, tu entends toujours un soundsystem au loin. Même les sons que je n’aimais pas trop, sur place, me faisaient tripper, avec leurs murs d’enceinte de fous et leurs basses surboostées ».
Et puis là-bas, la musique est liée à leur histoire sociale. Et donc par extension, à leur pauvreté.« Courtney John me disait (un chanteur à la voix toute haut perchée qui pose sur la mixtape et sur l’album à venir du Blundy) qu’ils n’avaient pas la télé à l’époque, juste le transistor, la radio. Il écoutait les charts de rythm and blues, le Top 40 avec Otis Redding et compagnie tous les vendredi. Ici, la musique est une nuisance ; là-bas, je ne crois pas qu’on appelle souvent les flics pour dire que son voisin écoute la musique trop fort ».
Là-bas, la musique est envisagée autrement. Il s’est donc mis dans la poche ses a priori et ses préjugés sur les vocoders ou autres productions trop modernes, ou slackness, et a pris sa claque, qui lui a ouvert l’oreille sur une autre façon d’envisager l’écoute ; un rapport qui ne serait pas basé que sur ses propres goûts.
Sa mixtape, elle ne lui rapporte rien. Il a juste décidé de partager ce qu’il aimait avec ceux qui le souhaitent. Hostée par Don Camilo, un ancien pro-rider à la voix de miel (« grosse voix de coton, il te fait l’amour dans l’oreille » – découvert aux côtés de Biga Ranx – voir vidéo ci-dessus, c’est l’homme au chapeau), la sienne compile John Holt, Gregory Isaacs, Ken Boothe, Donovan Carlos ou Boris Gardner.
On lui demande son morceau préféré de sa mixtape et Blundetto grimace. « Il n’y a que mes tracks préférés, impossible d’en virer un. C’est ma crème de crème, je peux pas. Elle est horrible ta question ». C’est vrai.« Ken boothe est une voix super importante du reggae, le morceau de The In Crowd est incroyable, Gregory Isaacs c’est indispensable, John Holt c’est un de mes chanteurs préférés… Tous ces tracks là, je les ai rincés ». Il est bien embêté , le Blundetto. Il fait moins le malin.
Sur sa mixtape comme sur son album à venir, on retrouve un certain Courtney John (photo), ce chanteur qui monte si bien dans les aigus (dans la vidéo Nova Jamaïca ci-dessous, à 4’45). Blundetto l’a rencontré en Jamaïque. Invité à chanter au micro de Nova, le type scotche tout le monde. Blundetto lui parle de son projet à venir. de retour à Paris, il envoie au chanteur cinq prods, en lui laissant le champ totalement libre. « Je ne voulais lui donner aucune indication. Je voulais juste sa vibe, son truc à lui ». Trois jours plus tard, Courtney John rend ses devoirs. Il a posé sur deux prods. Bon élève.
Outre la mixtape, déjà dispo, Blundetto sortira son second album, « Warm My Soul », le 13 février prochain. S’il sera un peu moins reggae que le premier, « je m’en fous qu’il vienne de New York, de Kingston ou de n’importe où ailleurs. Moi ce que j’aime, c’est la soul ». Pas le genre musical : l’état d’esprit, le sentiment, le ressenti.
Le partage aussi : « aujourd’hui, on monnaie tout dans la musique, tout le monde n’arrête pas de dire que l’industrie se casse la gueule. C’est peut-être un peu hippie de dire ça, mais moi dans la musique, j’aime le partage. C’est ce que je fais sur mon blog, c’est ce que je fais avec ma mixtape ».
C’est aussi ce qu’il fait avec Courtney John ou tous les autres invités de son album.
Hippie, va !
>> Voir le blog de Blundetto
>> Voir le site de son label Heavenly Sweetness