Elle investit le Musée Picasso avec une réflexion sur la disparition, l’absence.
A l’entrée de l’expo, un dessin de Sophie Calle, enfant, qui lui a valu l’exclamation » On a un Picasso dans la famille ! « L’artiste expose, ça, sa collection personnelle et toute une réflexion sur Picasso et la disparition, au Musée portant le nom du peintre. À la proposition d’y exposer, elle a d’abord répondu « Sans LUI, je préfère ! » Eh bien, pas loin. Elle fait du lieu « un musée Picasso sans Picasso. Ou presque », s’amusant à dialoguer avec ses œuvres à lui, en créant des œuvres à elle et ajoutant à cela des objets de sa collection personnelle, un bout de son chez-elle.
“À toi de faire ma mignonne”, c’est le nom de l’exposition. Sophie Calle met le Monsieur au sous-sol et investit tous les étages du Musée. « À toi de faire ma mignonne », c’est aussi le titre d’un roman de Peter Cheyney, où un dénommé Lemmy Caution est sur les traces d’un ingénieur disparu alors qu’il venait d’achever les plans d’un avion à réaction.
C’est, ici aussi, une histoire de Disparition, d’absence.
À l’entrée, quelques textes pour se figurer la relation entre Sophie Calle et le travail de Picasso, des anecdotes, puis des photos de tableaux que l’on n’a pas le droit de voir : ils sont emballés dans du papier kraft. Trace du confinement sanitaire qu’ils ont vécu, eux aussi. C’est en voyant ces tableaux emballés que Sophie Calle a enfin su ce qu’elle allait faire dans ce Musée. Lier l’artiste avec un de ses thèmes de prédilection : la disparition.
Dans une autre salle, on devine à peine les tableaux, en transparence, derrière de longs rideaux sur lesquels sont imprimés des textes. Sophie Calle a demandé au gardiens du Musée où sont exposés les originaux, aux curateur‧ices, à des visiteur‧euses de décrire les tableaux, à quoi ça ressemble, ce que ça leur fait. La visite débute donc sans images, dans l’imaginaire, c’est « une histoire de substitution » glisse Laurent, un visiteur, habitué du Musée. On les voit presque mieux lorsqu’on ne les voit pas. Et puis changement (radical) de démarche, voilà qu’un mur bariolé se dresse devant nous. Des cadres, des posters, des broderies, des néons, des boites avec des trucs dedans, une cassette en ferraille et même un poupon langé dans une caisse de Dom Pérignon. On en voit soudain presque trop. Un peu flippant, « mais elle est un peu flippante et en même temps très enthousiasmante cette Sophie Calle », lâche Laurent dans un sourire.
C’est avec enthousiasme, c’est sûr, que l’on monte découvrir les autres étages du musée où il ne s’agit plus du tout de Picasso, mais encore de la disparition, d’absence. Des portraits de personnes nées aveugles à qui Sophie a demandé ce que c’était, pour elles et eux, la beauté, des gens qui voient la mer pour la première fois, des histoires de tableaux volés et de cadres vides.
L’exposition est au Musée Picasso, à Paris donc, jusqu’au 7 janvier prochain.