Ça s’appelle l’éducation genrée, la professeure Carole Clair analyse les chiffres pour le début du Movember.
L’espérance de vie des hommes est inférieure à celle des femmes : 79,1 ans pour les hommes et à 85,1 ans pour les femmes (Drees, 2020). Parce que leur existence est plus difficile ? Non, mais notamment parce qu’ils vont moins chez le médecin, même lorsqu’ils ont des symptômes. L’Insee affirme qu’en 2019, lorsque 88 % des femmes avaient consulté un médecin généraliste depuis moins d’un an, seulement 80% des hommes l’avaient fait ; 60 % des femmes avaient vu un dentiste, contre 54 % des hommes, et pour le recours à un médecin spécialiste, c’est pire : 53 % des femmes contre 42 % des hommes.
Une éducation à la santé qui diffère selon les genres
La faute à une éducation à la gestion de la santé très genrée : « Les femmes consultent davantage parce qu’elles reçoivent une forte pression sociale pour s’occuper des autres et d’elles-mêmes », résume Carole Clair, professeure associée à la faculté de biologie et médecine de Lausanne, spécialiste des questions de genre. Ajoutez à cela la belle légende de l’homme viril qui n’a besoin de personne, affronte virus et douleurs sans sourciller et encore moins appeler quelqu’un d’autre à l’aide ou prendre des médicaments. L’imaginaire et l’imagerie viriliste exposent plutôt l’homme comme le médecin, pas le patient (cf la recherche d’image d’illustration pour cet article). « La force de cette légende, c’est qu’elle traverse les générations et les couches sociales » écrit le magazine Néon. “Même les hommes avec un haut niveau d’éducation, facteur fortement associé à une meilleure santé et donc à une plus longue espérance de vie, sont bien moins enclins à gérer leur santé de manière préventive s’ils adhèrent à une vision viriliste de leur masculinité”, ajoute Kristen W. Springer, professeure en sociologie, au New York Times.
Côté patients, côté soignants et parents
« Les choses évoluent », nous rassure le Dr Clair. Mais elle remarque que ces biais apparaissent jusque dans le suivi médical des jeunes enfants : « C’est notamment frappant en pédiatrie, où on a relevé que soignants et parents autorisaient plus facilement une petite fille à exprimer sa douleur, quand un petit garçon s’entendait dire qu’il était un dur », explique-t-elle dans les pages du journal Sud-Ouest.
Les hommes moins bien dépistés
Résultat, plus difficile de dépister de potentielles maladies naissantes. Xavier Girerd, cardiologue, expliquait par exemple en mai dernier à France Info que les hommes étaient beaucoup moins bien dépistés que les femmes pour l’hypertension artérielle, « la maladie la plus fréquente en France ». Pire, il affirme qu’ils se soignent moins bien : « Les femmes, quand on leur dit qu’il y a une hypertension, elles font des efforts, elles prennent les médicaments, les hommes, ils s’en foutent. » Ça a le mérite d’être clair. Ce premier novembre marque le début d’une campagne du « Movembre« , pour inciter ces messieurs à surmonter leur peur inconsciente de la vulnérabilité médicale et aller consulter pour s’assurer qu’ils ne sont pas touchés par l’une des « maladies masculines » comme le cancer de la prostate, ou celui des testicules mais aussi les troubles urinaires, sexuels ou mentaux, qui restent encore tabous, pour beaucoup. « De nombreuses études montrent qu’un homme ne dit pas quand il ne va pas bien, parce qu’il ne veut pas avouer ses faiblesses », souligne Mathilde Bourdon, la porte-parole française de l’ONG Movember. En parallèle, 75 % des morts par suicide en France sont des hommes.