À l’occasion de la réédition de leur discographie, on ressort un live des Rita datant de 2000, dans les locaux de Nova.
« De la vague punk new wave les Rita sont les seuls à avoir explosé. Peut-être parce qu’ils ont formé un sacré duo. Le cri et le mix. Le pop et l’Avant-garde. La gouaille et la provoc. L’engagement et le recul. La réflexion et le premier degré. Fred prise de tête et Catherine casse-pieds. Ou l’inverse ». C’est Jean-François Bizot qui l’écrit en octobre 1993, et qui résume tout. Actuel a fait chanter les Rita Mitsouko, Bizot a passé des nuits entières avec eux à dériver dans ce Paris des 80’s qui grouillait d’idées, Radio Nova, très vite, a joué leurs morceaux à l’antenne, et les a fait jouer en live. Les Rita et Nova, c’est une histoire d’amour qui dure depuis longtemps et qui finira, c’est le sens de l’histoire, forcément bien.
Catherine était aussi rebelle, féministe et fantasque que Fred était tenace, bosseur, obstiné
« Fred Chichin est un dangereux malade du son : il peut passer des nuits à tripatouiller un son à quatre pattes, tout seul, dans son vieux pull et les cheveux qui s’ébouriffent à la recherche d’un effet perdu ». Voilà pour le premier. Un petit job à l’Opéra de Paris pour gagner sa vie et se croire chez les Walkyries, des nuits passées dans des squats ici et là, des soirées à écouter son père ne jurer que par l’idée glorieuse de Prolétariat, des heures à recopier Mao lorsqu’il dérape à l’école. Fred Chichin n’a pas le bac mais s’en fout un peu, adore les Beatles et surtout Harrisson, écoute tout ce qu’il est possible d’écouter, joue de la musique punk comme tant de jeunes gens modernes le font alors. De la musique, il est amené à en jouer, aussi, au théâtre. Voilà Catherine. « Elle a son caractère (…) cultive une provocation qui manque à notre époque calibrée et moralisante. ». Elle a fréquenté l’Université de Vincennes et les Situationniste, tourné quelques films dans le porno, est fan d’Iggy, de Lou, de Bowie. Elle écrit beaucoup, et pas n’importe quoi. Elle chante, aussi, c’est indéniablement son truc. Et il y a donc 1979 et le plateau d’une pièce de théâtre, genre avant-garde. Elle joue la comédie, récite des mots, et il joue de la musique, tout est déjà en place. Ils se croisent, c’est parti. Ça rappelle Brigitte Fontaine et Areski Belkacem : l’amour qui encourage la verve créatrice, et surtout, qui dure.
Les Rita Mitsouko, ce sera Catherine Ringer au chant et Fred Chichin à la musique. « Catherine était aussi rebelle, féministe et fantasque que Fred était tenace, bosseur, obstiné », écrit encore Bizot dans Actuel en 1993. Quelques tentatives, pas de reconnaissance immédiate, et un succès colossal finalement, celui de l’album éponyme sorti en 1984 sur lequel figure cet hommage intense à la chanteuse égyptienne Oum Khalsoum, le célèbre « La Fille venue du Froid ». Et surtout, succès inégalé dans la carrière des Rita, l’immense tube « Marcia Baïla », que les jeunes gens d’aujourd’hui, en 2019, jouent encore en soirée lorsque le moment est propice. Le morceau est un hommage à la danseuse Marcia Moretto, qui accompagna les Rita dans leurs tournées pendant deux ans. Le tube chante le « cancer », et tout le monde danse. La gravité formulée sous des éléments de légèreté : c’est parfois ça, les Rita.
La carrière du duo est lancée : sept albums sexy, intelligents, bouillants, sortiront au total au sein d’une discographie qui bouleversera beaucoup de choses question pop française, par le biais de cette formation qui mélangera les idées de funk, de pop, de variété, de rock, de glam, de jazz, de new-wave, de tout ce qu’il était intéressant, à ce moment-là, de mettre ensemble.
À l’occasion de la réédition par Because Music de toute la discographie remasterisée des Rita Mitsouko (intégrale treize vinyles, intégrale douze CD, best of & vinyles à l’unité), et à l’occasion de la tournée de Catherine Ringer, qui a décidé de remonter sur scène afin d’y chanter désormais seule le répertoire des Rita (Chichin est parti en 2007, emporté lui aussi par un cancer – pas mal de dates, disponibles ici), on vous ressort l’une des venues du duo chez Nova. La mise en lumière de cette archive, c’est à Isadora Dartial qu’on la doit. C’était en l’an 2000 chez Rémy Kolpa-Kopoul, DJ tropical érudit et « conneXionneur », très grand spécialiste des musiques brésiliennes, au moment de la sortie de l’album Cool Frénésie. Dans Contrôle discal, le rendez-vous de RKK, Ringer et Chichin parlent disques. Fred, particulièrement, y fait admirer son tempérament de digger intéressé par tout. Rejoins par le guitariste Ismaïla Diop, dit Izo, ils enchaînent et y interprètent donc « Toi & Moi & Elle » (qui figure sur Cool Frénésie) et une reprise très personnelle de « Hey Joe », le morceau généralement attribué à Billy Roberts et rendu mondialement célèbre par Jimi Hendrix, manifestation très nette de l’esprit vivace de ce duo punk, baroque, décalé, non calibré, adepte du Système D, avant-gardiste, « mieux que fantasque »…Libre ? Voilà, « c’est comme ça ».
Les Rita Mistouko, c’était également l’archive du week-end dans le Nova la Source d’Isadora Dartial.
Visuel en Une © Jean-Luc Buro