Au Théâtre Michel, une pièce habillement mise en scène sur la complexité des relations amoureuses… et des non-dits sagement enfouis qui explosent sans prévenir.
Sam (Sébastien Azzopardi, acteur et metteur en scène de la pièce) et Valentine (la comédienne Miren Pradier) entament une thérapie de couple. En le faisant, ils officialisent un conflit qui durerait en réalité… depuis 20 ans.
Mémoire
Deux décennies, à ce point ? Valentine n’est pas d’accord. Sam a flirté, ou peut-être bien plus, avec une professeure de guitare qui n’est pas le Joe de Jimi Hendrix, mais un autre genre, celui brune pétillante de 20 ans qui aime la vie… et un peu Sam aussi ? Elle l’a vue l’embrasser au parc des Buttes-Chaumont lors d’un cours de guitare improvisé en plein air. L’adultère tellement classique qu’il en devient minable entre un quinquagénaire lassé par sa vie de mari mal aimé et une vingtenaire en pleine possession de ses moyens ? Sa version de l’histoire à elle.
La version de Sam ? Entre lui et Joe, il n’y a rien eu. Surtout que celle qui enseigne la guitare au père enseigne aussi l’amour au fils et que là, l’histoire se complexifie. Draguer l’amoureuse du fils, de 30 ans sa cadette ? Il vaut mieux que ça, Sam. Et quand bien même, il aurait croqué, par mégarde, dans le fruit défendu, aurait-il eu tort de le faire ? Aurait-il agi par dépit, par aveux de faiblesse, par revanche même peut-être ? Sa version de l’histoire à lui.
La revanche ne vaut pas puisque Valentine, elle, a toujours été droite dans ses bottes. Présente pour Sam, pour sa famille, pour leur avenir en commun. Valentine brassait beaucoup d’argents et Sam brassait surtout des bières (et même pas tout à fait, puisqu’il était barman). Au moment où naît leur premier (et unique) enfant, Val encourage Sam à monter son propre restaurant, à monter en grade. Ou plutôt est-ce Sam qui insiste pour le faire, devant une Valentine sceptique. Chacun sa version de l’histoire. De celle-ci et de toutes les autres.
Versions corrigées
À force de non-dits, de silences interprétés comme des coups de poignards et de rancœurs sagement enfouies, les tensions s’exacerbent. Et les histoires se floutent. Des histoires dont chacun tricote sa version dans son intimité, dans son inconscient, qui peut se défaire au moindre fil qui dépasse et sur lequel on aurait tiré avec un petit peu trop d’intensité.
Une pièce à voir au Théâtre Michel (Paris 8ᵉ), qui souligne la nécessité du dialogue dans la constitution d’un récit quotidien. Et la difficulté de celui-ci lorsque l’intérêt, l’ambition et l’horizon de l’un ne coïncide pas forcément avec celui de l’autre.
Ainsi, s’il y a toujours plusieurs versions de l’histoire, c’est sans doute parce que d’histoire, il n’y en a jamais qu’une. Et qu’il faut toujours accorder ce mot-là au pluriel.
Ma version de l’histoire, une pièce de Sébastien Azzopardi actuellement au Théâtre Michel (38 rue des Mathurins, 75008 Paris). Avec Miren Pradier, Sébastien Azzopardi, Déborah Leclercq et Alexandre Nicot. Plus d’infos.