La chronique de Jean Rouzaud.
Tous les amateurs de Pop rock connaissent les éditions Camion Blanc, qui ont sorti les bios de tout ce qui compte en matière de Pop, Folk, Rock, Country, Hard, Punk, etc. Le moindre groupe y est cité, décortiqué avec une précision légèrement obsessionnelle.
Hors de toute promo, Didier Delinotte vient de sortir un Donovan, Pop troubadour, baladin du monde occidental, pavé de 280 pages d’une précision diabolique.
Cet auteur rare et discret a déjà torché neuf livres dans cette collection (Kinks, Byrds, Groovies, Pretty Thigs, Procol Harum, Love, Sixties, Van Morrisson, Faithfull… Et veut finir avec les Who !!!) Il se définit comme un « moine Chartreux, un copiste » acharné… Et c’est vrai !)
Un hippie à Glasgow
Cette fois, Donovan Leitch, né à Glasgow (Écosse), en 1946, lui permet d’évoquer tout ce qui a compté dans la Brit Pop des sixties, qu’il connaît à fond. Car Donovan démarre ultra tôt, vers 1963, et se retrouve très lié aux Beatles qui partagent avec lui le côté légendes celtiques, folklore anglais, gallois, et les mélodies raffinées.
Il est aussi très proche de Brian Jones et Georges Harrison pour la « World music », orientale ou celtique, et il aura en studio les plus grandes pointures comme Jimmy Page, John Paul Jones, Jeff Beck etc. Les dieux de la guitare pour servir ce petit page à succès.
Même s’il démarre très Dylan en blouson Jeans et casquette de marin, Donovan va vite s’envoler au paradis de mélodies magiques, vibrantes, inattendues et l’Amérique va lui faire un pont d’or…
Il est difficile aujourd’hui de réaliser à quel point il fut chéri, car il était la caricature d’un très jeune anglais Pop en grand costume oriental : caftan brodé, soie et gilet afghan, sur des pochettes ultra hippisante, beautiful people, puisqu’il fut aussi un des disciples du Maharishi Mahesh, gourou des Beatles et d’autres stars, musique et cinéma ! Aujourd’hui, c’est David Lynch qui continue la promotion de cette « méditation transcendantale » qui a fait couler de l’encre !)
Son histoire est caricaturale, et Delinotte à l’art de citer toutes les célébrités qui ont entouré Donovan, jusqu’au ciné américain (il a fait quelques films), ainsi que les moindres soirées ou disputes, les fiancées, les potes éternels comme « Gipsy Dave » (Lennon avait son « Magic Alex »), personnages d’éminence grise, connus des seuls initiés.
Amusez-vous à écouter ses grands tubes planétaires comme « Sunshine Superman », « Mellow Yellow », « Hurdy Gurdy Man », vraiment son style bizarre, avec un vibrato dans la voix (il doublait la voix), mais aussi dans les cordes, avec le tremblement de l’orgue, des flûtes, des tablas, et tant d’autres morceaux, dont les « réussis », qui le sont vraiment.
Car Donovan a bossé dur (il aurait plus de 500 chansons à son actif !), et pas mal de chanteurs impressionnés ont repris ses tubes, vu la quantité.
Baba cool, spleenien, psyché…
Malgré son côté complètement « baba cool », son spleen permanent, son goût pour les jeunes filles éthérées (dans esthétique des peintres romantiques anglais, « préraphaélites », donc des égéries hippies ), et ses pochettes de disques hautement psychédéliques, jusqu’à la caricature, avec typo rétro, couleurs orange et violet, et lui en ado planant, déguisé, en photos solarisées… (ouf !) sa réputation est cool : il était amical, gentil, ouvert, poli, fidèle et finalement un vrai romantique, épris de nature et de paix ?
Je sais, ça fait beaucoup de clichés et de poses, mais sa musique a emporté le morceau de 1963 à 1969, avec des ballades dans l’air du temps, des messages de paix et de tristesse devant la laideur du monde.
Ce livre est une plongée dans le temps, une vague de Pop sixties, avant la chute des seventies, une page d’histoire Rock qui met presque mal à l’aise tant elle est typée et frise le ridicule…
La somme d’informations y est telle, qu’on a l’impression d’avoir sorti ce livre de la « National Library », et qu’il s’agit d’un dictionnaire, plein de renvois, de notes, de personnages dont chacun mérite un livre (et ils l’ont souvent fait !)
L’aura de Donovan était telle, qu’il a attiré tous les papillons de la dérive Flower Power, même si la plupart se sont brulé les ailes.
Donovan Pop Troubadour. Le Baladin du monde occidental. Éditions Camion Blanc. 284 pages. 30 euros (avec discographie complète, tournées et sources et biblio du livre. Un grand nombre de chansons…) peu connues sont détaillées avec précisions et exécutants.
Visuel en Une © The Beatles, Mia Farrow And Donovan Around The Maharishi Mahesh Yogi In Rishikesh, India / Getty Images / Keystone-France