L’auteur des « Mots Bleus » et d’« Aline » est décédé à l’âge de 74 ans.
Nous avons entendu deux fois le chanteur Christophe, dont le décès vient d’être annoncé, sur cette antenne au cours des dernières années. La première fois, c’était chez Édouard Baer, qui avait promis aux matinaux de demeurer Plus Près De Toi et aux « monuments » de les cueillir à la tombée du lit, sur le palier des rêves. Sauf que pour Christophe, chanteur à la douzaine de disques, aux tubes immémoriaux (« Aline », « Les mots bleus », « Les Paradis perdus ») et à la réputation de nyctalope gravée dans la mémoire de ce Paris qui préfère rester debout lorsque les autres sont couchés (et vice-versa), 7h du matin, c’était plutôt l’heure du coucher, venu après une longue nuit de déambulations rêveuses, d’expérimentations sonores, de poésies murmurées à qui voulait (pouvait ?) bien les entendre.
On avait d’abord songé à ce que Christophe nous rejoigne, ce matin-là dans nos studios mais le chanteur, qui était aussi naturellement pianiste, guitariste, joueur d’harmonica (c’est par le yéyé à la française qu’il s’était d’abord fait connaître dans les années 60), pour le faire bouger de l’appartement qu’il occupait sur le boulevard du Montparnasse, dans le XIVe, il fallait se lever de bonne heure (façon de parler). Il y avait eu les longues années d’excès, les succès et les chutes, la vie à 200 à l’heure et les mondanités, et finalement le cloisonnement et la volonté, pour lui, de vivre autrement.
Mots bleus et nuits à étoiles
Quelques années plus tard alors, c’est directement chez lui, dans ce refuge poétique et baroque qui était le chez-soi de Christophe, qu’Aurélie Sfez avait rejoint celui qui avait collaboré avec Jean-Michel Jarre, Boris Bergman, Étienne Daho, Erik Truffaz, Brigitte Fontaine ou même Alan Vega, sur un dernier album, Les vestiges du chaos, plein d’expérimentations électroniques qui n’avaient surpris que ceux qui n’associaient cet être différent qu’à « Aline » et aux « Mots Bleus », ces deux tubes respectivement sortis en 1965 et 1974 et qui restèrent agrippés à son image comme des reliques un peu trop ostentatoires, et qui ne résumaient rien.
Cette dérive d’Aurélie avec Christophe, elle avait duré longtemps, le temps de deux épisodes là où d’habitude, il n’y en a qu’un. « Les mots sont bleus, drôles, doux, on parle cash et de tout. On va faire un « film sonore » comme il dit, une ivresse nocturne qui résonne contre les murs de Paris. Si Christophe est un effet, Christophe est une reverb. « Mots Bleus ».
Christophe qui meurt, contraint de sortir de son isolement, au moment où le monde se place à son tour en confinement, et est contraint de rester cloitré chez soi, à l’abri des autres et du monde ? Il y a là une image qui ajoutera encore à la poésie indélébile à laquelle sera toujours associé ce grand homme de la chanson française, dont on salue la mémoire.
Visuel en Une © Getty Images / David Wolff – Patrick