« Idiot Prayer », c’est le nom de cette séance unique, enregistrée à l’Alexandra Palace de Londres
Depuis la tragique perte de son fils Arthur en 2015, Nick Cave n’a pas ou peu parlé à la presse (ses derniers mots remontent à 2017 pour The Guardian et, plus près de chez nous, pour Télérama) et pourtant l’Australien n’aura jamais été aussi omniprésent que durant ces dernières années. De l’album Sketeton Tree aux échanges en ligne via theredhandfiles.com (avec comme promesse « Vous pouvez tout me demander. Il n’y aura pas de modérateur. Ce sera entre vous et moi. ») en passant par la tournée ‘Conversations, An Evening Of Talk & Music’ soit sur une série de questions/réponses en public, le tout entrecoupé de morceaux joués en solo. Je vous épargnerai les chaussettes et les bijoux Nick Cave & The Bad Seeds™ disponibles sur son site. Au final, Nick Cave aura rarement été aussi éloquent, quitte à flirter avec l’impudeur et l’égocentrisme.
Mis en images par Robbie Ryan (chef opérateur habitué à singulariser la musique par les images comme peut en témoigner son travail pour Andréa Arnold avec le film ‘American Honey’ où nous n’avions jamais écouté The Raveonettes ou E-40 d’une telle façon), ‘Idiot Prayer’ se pose comme le pendant visuel de ‘Ghosteen’ tant par sa volonté de minimalisme que par une épuration poussée jusqu’au-boutisme. Tout ici est retenue, de la lumière au décor jusque dans cette façon de savoir filmer au plus près sans se faire intrusif. Seul dans l’immensité de l’Alexandra Palace à Londres, un lieu déjà magnifié en 1971 par Lucio Fulci et Ennio Morricone dans le giallo tordu ‘Une Lucertola Con La Pelle Di Donna’, Nick Cave joue, décompose, recompose et réinvente son propre répertoire au piano. À bientôt 63 ans, il a souvent donné dans cet exercice de style mais c’est la première fois qu’il transcende ainsi ses propres morceaux. Une totale mise à nue où aussi bien le crooner que le saigneur gothique savent s’effacer pour laisser la place à un chant quasi-murmuré, chuchoté. Une prière. Loin d’être sotte.
À 20$ la séance « privée » devant son ordinateur, autant éviter de dévoiler la setlist mais sachez quand même que le répertoire choisi ici est large (malgré l’omniprésence de ‘Boatman’s Call’), de la fin des années 80 à aujourd’hui, de ’Tender Prey’ à ‘Ghosteen’ dont deux titres se dévoilent pour la première fois en version live. Sont également de la partie, deux morceaux de Grinderman dans leur plus simple appareil et un inédit – superbe – ‘Euthanasia’, vague écho à un autre inédit de 2014 – superbe lui aussi – ‘Give Us A Kiss’.
Proposé sur le net en guise de substitution à une tournée des stades annulée pour cause de pandémie mondiale, ‘Idiot Prayer’ vient clore une trilogie filmique entamée en 2014 avec ’20 000 Days On Earth’, tout comme son récent disque Ghosteen pourrait être l’épilogue d’une trilogie musicale inaugurée quant à elle en 2013 avec ‘Push The Sky Away’. Il est assez déroutant de voir aujourd’hui comme ces trois films et ces trois albums sont devenus complémentaires et restituent involontairement
Reste à savoir de quoi demain sera fait pour Nick Cave. Avec ou sans ce qui reste à ce jour des Bad Seeds.
Idiot Prayer: Nick Cave Alone at Alexandra Palace, réalisé par Robbie Ryan, 90 minutes. Séance unique, disponible en streaming le jeudi 23 juillet à 21h00 (heure française)
Billetterie en ligne: www.nickcave.com
Visuel © Idiot Prayer: Nick Cave Alone at Alexandra Palace / Robbie Ryan