Le 25 juin 1984 sortait l’un des plus grands albums de l’histoire : « Purple Rain ». Sixième album de Prince, c’est avec lui que le « Kid de Minneapolis » est entré dans la légende.
Lorsqu’il compose Purple Rain, Prince sait déjà qu’il s’apprête à signer un tournant dans l’histoire de la musique. Mélangent la pop, le rock, le funk, le R&B, le jazz, avec plus de talents (et de sex-appeal) que ses concurrents d’alors (Michael Jackson par exemple), il signe un manifeste flamboyant et l’annonce à la face du monde :
« You might not know it now / But baby I’m a star ! ».
« Baby I’m A Star »
Électrique, innovant, sexy, Purple Rain reste lors de sa sortie 24 semaines en haut des charts. Un tour de force d’autant plus important que les charts étaient alors encore nettement divisés entre public noir et public blanc. Des barrières que Prince cherchait consciemment à abolir, en abolissant les genres.
Voix de falsetto, talons, maquillage : Prince adopte une persona androgyne et sensuelle et se joue des codes établis, n’hésitant pas à choquer. Peut-être un peu trop d’ailleurs, puisqu’il s’attire les foudres de l’Amérique conservatrice. Sur le morceau « Darling Nikki », il fait en effet explicitement référence à la masturbation féminine.
Des paroles scandaleuses, que Tipper Gore — la femme du pas-encore-vice-président Al Gore — entend lorsqu’elle achète Purple Rain pour sa fille de 11 ans. Elle ne trouve pas normal qu’un disque avec de tels mots puissent être accessible à tous. Elle fonde alors le Parents Music Ressource Center, association à l’origine de la fameuse pastille Parental Advisory.
Le Prince et sa cour
Pour la première fois, il s’entoure d’autres musiciens : le groupe The Revolution. Groupe multi-ethnique (chose suffisamment rare pour être remarqué à l’époque !) et surtout tout aussi extravagant que leur leader, ils aident à donner plus de corps et de grandiloquence au son de l’album.
Plusieurs parties de guitares saturées qui se superposent, des claviers, une batterie électronique copieusement boostée… Purple Rain puise aussi bien dans le rock avec ses grands solos que dans le funk torride à la James Brown. Et surtout, il interprète et compose tout lui-même.
Il n’y a qu’à voir la version « Deluxe » sortie en 2017, riche de deux disques en plus remplis de morceaux jamais parus mais tout aussi bon que le reste de l’album — et c’est ça à chaque réédition d’un de ses albums, les gourmands que nous sommes sont gâtés.
Chaque composition est brillante. Gospel rock sur « Let’s Go Crazy », hallucination fiévreuse cybernétique sur » Computer Blue », mais aussi « When Doves Cry », qui tranche avec le reste de la production de l’époque. Radicalement minimaliste, il réussit le pari d’être franchement groovy sans avoir aucune ligne de basse — un tour de force qu’il reproduira sur le très célèbre « Kiss ».
Quant à « Purple Rain », le morceau-titre, il devait initialement être une balade country. C’est à force d’improvisations avec The Revolution qu’il mute, et devient plus qu’un morceau. Une apothéose, grandiose, qui transporte dans un autre monde où la pluie est pourpre, et où Prince est devenu roi.