Si vous mettez, devant nous, trois soirs de lives trépidants, dans un repaire à ciel ouvert au coeur de Bordeaux (le Square Dom Bedos, histoire de ne pas omettre de le mentionner), entouré d’un comptoir à bibines et de fourneaux-fourgonnettes, de disquaires et de friperies, vous vous doutez bien qu’il y aura quelques pétillantes étincelles dans notre pupille.
Surtout quand la prog, gérée par l’Astrodøme, a tout de la constellation scintillante, du carré d’astres raflant toute la mise. Et ce dès le premier soir. Les Lyonnais de Ponta Preta auront l’honneur d’ouvrir le bal avec leurs mélodies aux vapeurs surf et psychédéliques, avant que ne déboule sur les radars la proverbiale désinvolture électro de Miel de Montagne. Entre les deux, les exquises chansons indie d’En Attendant Ana, combo francilien emmené par la chanteuse-compositrice Margaux Bouchaudon qui a conquis les coeurs américains avec leurs chansons limpides, relevées de cuivres et de guitares jangle.
C’est gracile, élégant, d’une aérienne sérénité ; autant de délicatesses sinueuses formant l’imparable bande-son d’une rencontre fantasmatique entre Linda Perhacs et Stereolab, de Biche bondissant vers les territoires anglophones de Sarah Records ou Heavenly. Comme sur ce « Same Old Story », extrait de leur dernier opus Principia – qu’iels reviennent jouer en terres girondines, trois mois après leur venue à bord de l’IBoat.
Le vendredi ? Ce sera plus âpre et électrique avec, en guise de mots-clefs capables de crocheter toutes les serrures, des rossignols tels que « post-punk », « garage-rock » et « grunge ». De fulgurants passe-partout imprégnés d’embruns atlantiques – fraîcheur locale grâce à Flanagan, humeurs nantaises apportées par Mad Foxes – mais aussi de deux trombes internationales – venant qui de Londres, qui de Vienne. Angleterre et Autriche, ç’aurait pu être l’affiche d’un match de l’Eurofoot, ce sera ici le combiné gagnant sur la scène du Square Dom Bedos, avec les riffoleries force 12 de Feet, pied au plancher sur leur disque Make it Up, et l’appâtant cocktail sonique de Baits, qui sait s’y prendre pour secouer et faire valser les contempteur.rices trop bougon.nes.
Ne restera plus ensuite qu’à conclure, le samedi, toujours sous une bonne étoile. Ou plutôt cinq. À commencer par les chansons 90s, strokiennes parfois, d’un dénommé Palis. Oui, encore un ; vous connaissiez peut-être Thoineau « TH da Freak » et Sylvain « Siz » ; voilà Rémi, alias Animalmore. S’il se plait dans l’underground (on l’a vu, il y a peu encore, dans une cave du centre-ville en ouverture d’Astrel K), le ciel ouvert ne sera pas trop vaste pour accueillir ses envolées mélodiques préparées, piste à piste, boucle après boucle, sous vos yeux subjugués – idem pour les tympans. C’est de l’indie-rock cuisine ouverte, service sur la ligne tout juste fritée ; rien à redire, du tout bon, à demander illico du rab.
Toujours dans la catégorie féru.es de guitares, mais en brigade cette fois, les trois Johnnie Carwash entreprendront, elleux, de dissiper toute ambiguïté : non, iels ne sont pas du sous-Hallyday pour lavomatics, ou un remake teddy boy du Car Wash blaxploitation (et sa B.O dingue par Rose Royce), mais bien un power trio lyonnais affûté et remonté comme les proverbiaux coucous des voisins suisses, mêlant sans complexe le garage-rock, le punk, la noisy-pop et quelques autres explosives étiquettes sonores indiquant qu’ici le port des bouchons d’oreilles n’aura rien de la coquetterie superflue.
Niveau impétuosité, celle toute british de Crows, et leur formule post-punk + psyché, sera aussi à apprécier. Mais on pointera surtout, et pas qu’un peu, les mutations arty d’Uto. Déjà croisée sur nos antennes (« The Beast » et « À la Nage » ont ainsi fait les beaux jours de nos playlists), la turbulente utopie hyperpop de Naysa May Barnett et Émile Larroche, amalgame audacieux et polymorphe d’electronica, de drum’n’bass, de R’n’B et de lo-fi, a sorti cette année son deuxième album When All You Want to Do Is to Be The Fire Part of Fire, : de la pop résolument branchée sur le contemporain, cassant les rétros et les marches arrière, avec une fenêtre ouverte sur le futur comme possibilité d’emballement joyeux – et non d’un mur où se crasher, d’un vide où se jeter, comme certains actus le laissent entrevoir.
Et enfin, derniers invités à rallier cette enthousiasmante sarabande (afin d’y remplacer Kids Return, forfaits), les duettistes shlagwave de Gwendoline. Depuis peu sociétaire de la maison Born Bad, ils y ont réitéré leur coup d’éclat d’Après C’Est Gobelet avec C’Est À Moi Ça : un disque amer et fendard, une ribambelle de chiquenaudes balancées sur des synthés pop du fond de la zone, quelque part entre Getdown Services et Noir Boy George, entre Diabologum et les Inconnus. Items indispensables : les cirés noirs, le Ricard dosé à la six-quatre-deux et l’ironie option (im)politesse du désespoir au fond du sac-banane. Exemple, ce « Héros National », un peu de zouk et de synthwave dans un cauchemar téléphage, passé maintes et maintes fois sur notre électrophone, n’en déplaise à Cédric de Thionville, Caroline de Limoges ou celleux qui regrettent les vachettes d’Intervilles.
Vous savez donc où diriger vos pas, pour un été plus aster qu’austère.
Festival Astroshøw Open Air 2024, du jeudi 18 au samedi 20 juillet @ Square Dom Bedos (Bordeaux). Entrée à prix libre. Plus d’information sur lastrodomebdx.fr