Jusqu’au 7 juillet, le second tour des élections législatives anticipées, Nova passe en revue ce qu’il se passe vraiment dans les pays qui expérimentent l’extrême droite. Cette semaine, nous sommes partis dans l’Italie de Giorgia Meloni, sous le régime de Viktor Orban en Hongrie, de Milei en Argentine. Faisons maintenant un petit tour par la Suède… où l’extrême droite tire les ficelles du gouvernement.
Une page s’est tournée en septembre 2022, quand le parti d’extrême-droite Sverigedemokraterna, littéralement Démocrates de Suède, qu’on appelle SD, score à 20% aux élections législatives.
Se forme alors une coalition : le parti de droite, celui d’extrême droite, avec les partis chrétien et libéral. La coalition gagne, de peu, les élections suédoises face à la gauche.
Depuis, l’extrême droite tire les ficelles du gouvernement et c’est la marche arrière
Sur le climat, la Suède est l’un des très rares pays dont les émissions de gaz à effet de serre ont augmenté en 2023. Finie la prime aux transports en commun, le crédit d’impôt pour les voitures électriques, finies les subventions pour l’éolien offshore et pour le TGV.
Les subventions qui augmentent sont allouées aux énergies fossiles. Plutôt cocasse de la part du pays qui a presque inventé la taxe carbone et hébergé le tout premier sommet de l’ONU sur l’environnement en 1972.
Trouver des boucs-émissaires : écologie et immigration
Il fallait lutter contre l’inflation et renforcer le pouvoir d’achat, et l’écologie a été le bouc-émissaire… tout comme l’immigration. Le pays, autrefois très accueillant, a maintenant une des politiques migratoires parmi les plus strictes d’Europe. Le Premier ministre a fait dans ses discours le lien entre immigration et violence des gangs, et son parti parle de « rendre sa grandeur à la Suède » (ça vous dit quelque chose ?).
Une loi pour obliger à dénoncer les sans-papiers
La coalition a par exemple doublé le salaire minimum requis pour demander un visa de travail — menaçant ainsi, d’un geste, 15 000 personnes d’expulsion. Il y a quelques semaines, le gouvernement a proposé une loi pour obliger les fonctionnaires, les enseignants ou les soignants par exemple, à dénoncer à la police les personnes sans papiers avec lesquelles ils sont en contact. Cela se mêle (bien sûr) à une islamophobie décomplexée de la part des politiciens de la coalition. Le SD est allé jusqu’à appeler à la démolition des mosquées lorsque son chef de file, Jimmie Akesson, a déposé une proposition de loi en novembre 2023. Proposition exigeant l’arrêt de la construction de nouvelles mosquées dans le royaume, et réclamant la destruction des mosquées existantes qui “diffusent des messages antidémocratiques, antisuédois, homophobes, antisémites ou de désinformation générale sur la société suédoise”.
Interdit de mendier
Le racisme se lie à la lutte contre la délinquance et la police peut maintenant faire des fouilles sans autorisation préalable, dans des zones définies. Enfin, il est possible pour une ville de demander à interdire la mendicité, ou bien à délivrer des permis de mendier avec, vous l’imaginez, une armada de contraintes et des amendes si vous mendiez de l’argent, sans permis.
Invoquant la prudence, la Suède a également décidé en 2022 de limiter l’accès aux traitements hormonaux de changement de genre pour les mineurs, et a drastiquement restreint le recours à l’ablation des seins chez les adolescentes. Mais la droite vient de faire passer une loi qui facilite le changement de genre à l’état civil, malgré l’indignation des Démocrates Suédois.
Pas d’argent pour la paix, plus d’enquêtes sur les wokes
Le gouvernement a cette année remilitarisé le pays. Une remilitarisation qui s’est accompagnée de coupes des subventions aux associations qui promeuvent la paix, dont la plus vieille association pacifiste du monde, la Svenska Freds.
L’ennemi commun, qui veut la paix, n’est pas islamophobe, et est écolo, ce sont…. les wokes. À peine avait-il été nommé que le nouveau ministre de l’Éducation, le libéral Mats Persson, annonçait lancer une commission d’enquête pour mesurer l’impact du « gauchisme woke » et de la « cancel culture » sur les universités suédoises.
Alors, rassurez-vous, seulement 1% des profs se disent victimes du wokisme, par contre 28 % critiquent le système de financement de la recherche.
Et la culture ?
Eh bien, elle est souvent la première cible, car elle est au cœur des luttes d’influence idéologiques. Le SD s’en sert comme un outil, listant les œuvres censées représenter le mieux la culture du pays, seuls certains livres doivent être autorisés à la vente dans les librairies.
Le parti attaque aussi l’enseignement d’une langue maternelle autre que le suédois et sans surprise, le budget de la culture en Suède a baissé de 10 %.
Voilà comment ça se passe chez nos voisins suédois, et au vu des résultats des européennes, ils n’ont pas vraiment apprécié leur voyage à « l’extrême-droitistan » : la popularité du SD est en baisse, celle des différents partis de gauche, elle, est remontée.