Aujourd’hui, double ration de funk. Le 3 juin 1974, Parliament sort « Up for the Down Stroke ». Puis le 10 juin 1974, Funkadelic renchérit avec « Standing on the Verge of Getting It On ». Ce sont en réalité les mêmes musiciens pilotés par George Clinton avec un seul but : répandre la bonne parole du Funk.
Il y a 40 ans, à seulement quelques jours d’intervalles, Parliament-Funkadelic — virtuellement le même groupe dirigé par Georges Clinton — sortaient chacun un album. Une véritable thiase — ce cortège tonitruant et extatique qui accompagne le dieu Dionysos — dont chacun des albums tisse peu à peu une mystique : celle du Funk, et sa capacité à ensorceler les corps.
Music is designed to free your funky mind / We have come to help you cope / Out into another reality, you will be /Through our music we’ll bring you hope
La musique est faite pour libérer votre esprit funky/ Nous sommes venus vous aider à gérer/ Dans une autre réalité vous serez/ À travers notre musique, nous vous apporterons l’espoir.
Une Nation sous un même Groove
Lorsque George Clinton prend ses distances avec la Motown — la célèbre maison de disque soul pour laquelle il a écrit quelques morceaux — en 1968, il veut projeter la black music dans une autre dimension. Pour lui, le Funk n’est pas qu’un genre musical, c’est une philosophie politique et une quête spirituelle. Celle de la libération de ses chaînes, et de la communion de tous avec tous par le rythme. Comme il le résume bien dans « One Nation Under A Groove », le nom d’un de leur titre sorti sur un album éponyme :
Here’s a chance to dance our way
Voici une chance de danser hors de nos entraves/ Avec le Groove pour seul guide, nous serons tous transportés
Out of our constrictions
…
With the Groove our only guide
We shall all be moved
Le Funk, c’est ce mouvement, cette force qui abolit les frontières (corps/esprit, noir/blanc…), l’ordre établi et la rigidité du pouvoir, pour réunir les gens dans une danse extatique pleine de sueur (funk est à la base un mot d’argot pour désigner l’odeur de la sueur) ; libre.
Superfunkadelicgroovyalidocious
Pour répandre la bonne parole, Parliament-Funkadelic invente une véritable mythologie aussi bien qu’un genre musical : le P-Funk.
Dr. Funkestein, Starchild et son pire ennemi Sir Nose d’Voidoffunk (prononcé « devoid of funk« , vide de funk), le Mothership… George Clinton dépeint un univers à mi-chemin entre la légende épique et le cartoon, moyen pour une scénographie complètement hallucinée (on pense notamment à une soucoupe volante géante par laquelle le groupe arrivait sur scène).
Musicalement, ils puisent aussi bien dans le funk à la James Brown, le rock psychédélique à la Jimi Hendrix et le jazz afrofuturiste à la Sun Ra pour créer un son unique. Déclinable dans sa version plus rock sur Standing on the Verge of Getting it on ou plus soul sur Up for the Down Stroke.
Chaque musicien brille ainsi par son approche novatrice de son instrument : Bootsy Collins, recruté chez James Brown et sa basse riche en effets (on a l’impression d’entendre Thundercat avant l’heure), et son sens du One (le premier temps d’une mesure).
Eddie Hazel, guitariste principal, reprend là où Hendrix s’était arrêté. Il devient célèbre avec son solo déchirant sur « Maggot Brain », sorti en 1971. Il prend d’ailleurs une pause après cet album ; Up for the Down Stroke marque son retour.
Les cuivres (biens-nommés Horny Horns) sont, eux aussi, des anciens du Parrain de la soul. Au moment de Up For the Down Stroke et Standing on the Verge of Getting It On, cette troupe en est déjà à six albums. Six disques qui développent ces univers singuliers, épaulés par des musiciens de talents.
Up for the Down Stroke et Standing on the Verge of Getting It On viennent se rajouter à cette épopée, qui culminera avec One Nation Under A Groove, leur album qui remportera le plus de succès en restant plusieurs semaines numéro 1 en haut des charts. Mission accomplie : le Funk a submergé la Terre.