À quelques jours du lancement officiel des Jeux olympiques à Paris, une autre flamme s’est allumée aux environs de la capitale : celle qui a vu, dans un cadre d’exception, la fine fleur de la French Touch éclairer le toit du Terminal 1 de l’aéroport de Paris-Charles de Gaulle.
Un concert tout en haut d’un terminal d’aéroport ? Celui conçu, qui plus est, par le fameux Paul Andreu — célébré récemment par une exposition à la Cité de l’architecture et du patrimoine, au palais de Chaillot —, aéroport dont on fêtait justement les 50 ans d’existence ? Compliqué de faire plus perché comme spot, et de faire plus attractif. Et pour cause : dans de telles conditions, c’est la première fois qu’un tel événement existe.
Grande première
Bertrand Sirven, directeur de la communication du groupe ADP — anciennement Aéroports de Paris —, pas peu fier de son coup. « C’est une première mondiale. Ce type de soirée n’a jamais eu lieu nulle part ailleurs dans aucun aéroport. 1 200 personnes qui, gratuitement, sont conviées dans un tel cadre et avec de telles prouesses techniques ? Personne d’autre ne l’a fait. Il n’y a qu’à Roissy Charles de Gaulle que c’était possible ».
« Pour nous, c’est un moyen de faire prendre conscience aux gens qu’à l’aéroport, il se passe tous les jours des choses absolument extraordinaires. ». Sentence impossible à remettre en cause, et le public ne s’y est pas trompé : les places sont parties en quelques instants, et à part, comme ce spectateur croisé au Terminal 1, « avoir rafraîchi la page d’inscription pendant 10 minutes sans s’arrêter » ou avoir été tiré au sort par Radio Nova, aucune possibilité d’assister à cette soirée clairement singulière. Alors, un mercredi soir de juillet, des centaines de personnes ont pris le RER B direction Aéroport Charles de Gaulle, se sont arrêtées terminal 1, ont pris une navette, un Escalator, un ascenseur, ont checké sur les panneaux d’affichage, par réflexe, si leur vol était à l’heure ou s’il était retardé. Le lieu, lui, n’avait pas été ouvert aux voyageurs depuis le 8 mars 1974. Grosse exclu.
Pour ceux-là, pas de départ vers Bangkok, Doha, Calcutta ou Los Angeles, mais vers le toit d’une plate-forme aéroportuaire où la scénographie, finement travaillée, évoque un espace new-age, cosmique, cylindrique, où le son circule bien, où les branché.e.s ont sorti leurs plus beaux tote bags et où les hôtesses de l’air, malignes et élégantes, ont parfois conservé quelques attributs vestimentaires évocateurs de leurs fonctions — chapeaux d’hôtesse et foulards en premier lieu.
Niveau ambiance ? C’est l’ouest parisien qui est venu voir ses idoles de jeunesse, des gosses qui observent comment sonnait la musique électronique à l’interstice de la fin des années 90 et du début des années 2000, des audacieux qui testent ce que ça fait que d’allumer un pétard dans un aéroport — c’est pas tous les jours que cette folie-là est possible. Les chiens reniflent les sacs avant de rentrer ? C’est pour les explosifs, pas pour la weed, alors tout va bien. Les flics sont restés à l’entrée, le temps est bon, le ciel est bleu, on aperçoit des avions dans le ciel, mais de très loin et pas beaucoup — original et inattendu quand on se trouve dans un aéroport. Niveau organisation, vraiment, c’est costaud, et même si pour récupérer un sandwich, on attend aussi longtemps que si on était là pour un Paris — Rio — aucune importance, c’est l’été et il fait chaud.
La French Touch incarnée
Après un warm-up premium assuré par Inès Mélia et Izzy Lindqwister, c’est évidemment Air qui débute. Bravo pour une telle tête d’affiche, Bertrand Sirven, très content là encore. « Fondamentalement, le casting de ce soir est ce dont on pouvait rêver de mieux. Air, c’est la French Touch incarnée… et c’est vrai que leur nom allait bien avec un concert sur le toit d’un aéroport. Quand on cherche la Lune, on décroche les étoiles. »
La Lune, on y va précisément tout droit avec le duo — tout de blanc vêtu — mené par Nicolas Godin et Jean-Benoît Dunckel — qui interprète, et comme lors des dernières semaines en tournée, une partie de leurs tubes issus de leur chef-d’œuvre Moon Safari. Leur live n’est semblable ni à un Boieng, ni à un Concorde, mais à un planeur, plutôt : « La femme d’argent », « Sexy Boy » ou bien sûr « Kelly watch the stars », qui regarde les étoiles dans les yeux, ne se brûle pas la rétine pour autant, rêve éveillé et, après la performance toujours très assurée d’Étienne de Crécy, est prêt à accueillir un autre animal aérien, brûlant cette fois.
Des étoiles, la Lune, des cendres
Phoenix ouvre son live avec une explosion baroque et très vite, c’est un cri de joie qui éclate dans le public puisque ce sont les premières notes de « Lisztomania » qui résonnent. « Think less but see it grow / Like a riot, like a riot, ohhhhhhh » : ça se déhanche pas mal dans la foule et sur scène, Laurent Brancowitz and co assurent méchamment. « Roissy Charles de Gaulle, ça va !? », dit Thomas Mars qui n’aura probablement pas souvent l’occasion de redire ce genre de chose et qui rappelle que le groupe auteur de la pop la plus classieuse et élégante de France est aussi probablement l’un des meilleurs groupes live du territoire. Classe et efficace, Phoenix.
Ensuite, les tubes s’enfilent comme des perles qui éclaboussent les rétines : « Too young », issu de United (2000), « Girlfriend » issu de Wolfgang Amadeus Phoenix (2009), « Entertainment » et « Bankrupt! » issus de Bankrupt! (2013) ou « Alpha Zulu » de leur dernier album en date (2022), longtemps joué en playlist sur Radio Nova.
« Les artistes invités ce soir et globalement la French Touch correspondent très bien à ce que l’on fait tous les jours ici : ils ont fait rayonner la culture musicale à la française depuis plus de 20 ans et nous, c’est ce que l’on essaye aussi de faire chaque jour avec 200 000 passagers à l’aéroport Paris Charles de Gaulle, à qui on ouvre les portes de la France. », conclut Bertrand Sirven.
Cocorico, vive la France, vive Paris et les JO et vive les escapades à l’aéroport avec un bilan carbone, une fois n’est pas coutume, aussi faible qu’un trajet de RER.