Nova était au festival Udada, à Saint-Jean-de-Luz, entre découvertes musicales déjantées et géniales, lives et DJ sets basques et internationaux… Reportage.
“Pour ta gouverne, c’était le parc où, quand on était au lycée juste à côté, on venait fumer des… cigarettes magiques”.
Le décor est posé, le grand parc Ducontenia est, pour les natifs de Saint-Jean de Luz, chargé de souvenirs d’insouciance, de copains, de fête. L’herbe caresse la plante des pieds que le sable a poli, la mer est à quelques minutes de marche, seulement. Les festivaliers sont belles, beaux, bronzés, leurs cheveux ondulés par le sel. Les Biarrot‧es, Bayonnais‧es, Bordelais‧es et même les “koxpei” (les touristes) parisien‧nes en vacances côtoient les Luzien‧nes qui connaissent les lieux et leur histoire par cœur.
“Moi, j’étais là au tout premier festival Baleapop, me lance fièrement l’une d’elles. Il y avait, je sais pas, même pas 200 personnes. Dix ans après, l’événement faisait sold out !”
Baleapop, c’est un peu le parent de ce Festival Udada, le premier-né du collectif Moï Moï, dénicheurs et dénicheuses basques à l’oreille fine et au sens de la fête tout aussi aiguisé. Après dix ans et en pleine gloire, Moï Moï a sabordé le famoso Baleapop (“trop la classe”, toujours selon cette festivalière). “On avait terminé un cycle” expliquent Pierre Lafitte et Jeanne Boulart, fondateurs du collectif. De grâce, l’édition suivante aurait été sabordée de force par la crise sanitaire et la censure de la bamboche obligatoire. C’est aussi le Covid qui rend urgentes les retrouvailles : “Alors, on a créé Udada, sourit Jeanne. Udada, ça veut dire « c’est l’été » en basque. D’abord galerie, Udada a bien vite ramené de la musique live dans ses pavillons d’art contemporain et recréé la fête.
“Un peu de second-degré, un peu de groove”
On reconnait la patte Moï Moï de la programmation : le son est bon. Très bon. De grandes influences électroniques, des artistes basques, d’autres venus de l’étranger. “On a fait venir les artistes de Bristol, une Russe installée à Nantes, Sandy B d’Afrique du Sud…” Avec, toujours, la recherche de musicien‧nes délicieusement allumés : “1000GUAPO par exemple, se souvient Pierre. Je suis juste tombé un jour sur un live dans lequel il sortait d’un cercueil. Je me suis dit : Il me le faut.” Alors, Pierre a passé des soirées sur Leboncoin à chercher des cercueils, “mais sachez que non, personne ne fait ça en seconde main”, lâche-t-il dans un haussement d’épaules.
L’héritier du Baleapop se veut en tout cas “moins élitiste” et peut-être encore plus festif : ”L’art contemporain est plus accessible ici, et niveau musique, moi je ne vais jamais aller sur de la techno pure et dure, tranche Pierre. Il faut qu’il y ait un sentiment, un peu de second degré, un peu de groove, toujours un petit rictus.”
Chamallows et fête totale
Dans le parc Ducontenia, beaucoup arborent déjà les t-shirts du Udada, aux formes colorées, artwork du festival signé Maison Solide, qu’on retrouve sur les immenses installations en bois peint plantées au fond du parc. Au gré des déambulations, on rêvasse, couché dans l’herbe fraiche au son des expérimentations électro-acoustiques de l’artiste russe installée à Nantes Omma, on va danser et chanter sur ses tubes préférés au DJ set en continu, à côté duquel on peut même griller des chamallow au feu de bois. Puis les petits pavillons s’éteignent et la foule se rejoint pour danser devant la Grande Scène. On y a vu ChewChew remixer du Billie Jean, le set hommage à Sandy B, pionnier du kwaito et artiste afro-pop et house d’Afrique du Sud, celui du collègue du label Antinote Zaltan, ou le très drôle 1000GUAPO, donc, qui est aussi (fait improbable), celui qui a réalisé tous les designs des affiches pour les JO de Paris.
La surprise de cette édition restera surement le duo Elastic Systems, tous deux installés face à face sur un grand tapis, devant la scène. Ils ont invoqué une danse de la pluie endiablée à coups de batterie électronique et claviers aux samples improbables, transmutés en une techno électronique bruitiste aux bpm effrénés. De l’ordre du génie.
Venus de Bristol, les deux géniales moustaches des Getdown Services
Enfin, mention spéciale (et ça, c’est sans surprise puisqu’on les attendait impatiemment) pour la disco apocalyptique post Brexit des Getdown Services, que vous entendez souvent sur Nova depuis la sortie de l’album, avec leur titre « Cream of the Crop ».
Vous retrouverez leur interview complète, enregistrée à la sortie du live au Udada Festival, juste ici :
Udada, c’est l’été
Impossible de ne pas sourire lorsque c’est une pluie diluvienne qui a clôturé (et écourté de quelques heures) le Udada, qui en basque veut littéralement dire « c’est l’été ». Mais on sait que le pays basque voit défiler les quatre saisons par jour, et que l’été réserve donc aussi son lot de surprises. La pluie aura surtout su rassembler la foule sous les tonnelles montées en express par une équipe déterminée à ce que jamais la fête ne faiblisse. La même pluie torrentielle qui aura aura créé de beaux fou-rires lorsqu’il a fallu rentrer trempé au beau milieu de la nuit, à travers les petites rues de Saint-Jean-de-Luz.
Avec cette troisième édition d’Udada, Moï Moï tient toujours sa promesse de combattre l’ennui joyeusement, dans un coin où l’offre musicale reste restreinte avec quelques rendez-vous, notamment estivaux, mais surtout, nous confie-t-on « des concerts de musique traditionnelle en acoustique, ou bien du clubbing pour vacancier‧es avec des playlists années 80.“ Moï Moï met tout le monde d’accord et prouve, encore une fois, comme la musique rassemble.
« Merci Moï Moï !” clame une festivalière dégoulinante et heureuse en s’éloignant du site du festival, “J’ai presque l’impression d’être un peu comme aux débuts du Baleapop” confiait-elle quelques instants plus tôt. Il n’y a pas encore beaucoup de monde, on sent l’expérimentation, on est au début de quelque chose.” On recommence la boucle, rendez-vous dans 10 ans ?