Immersion à La Réunion, au cœur des deux événements culturels majeurs de l’île intense ! Le IOMMa et le Sakifo Reunion Musik Festival ont fait briller les cultures et les musiques des Mascareignes. Rencontres, concerts, échanges, art-tivisme et beauté de la nature capturés dans mes micros au sud de l’île !
Comme on dit, « Jamais deux sans trois », et cette troisième visite est remplie de surprises et d’émotions. Une semaine inoubliable passée une nouvelle fois sur l’île intense pour découvrir les futures têtes d’affiches pendant le IOMMa, le plus grand marché de l’Océan Indien, et plonger mes oreilles dans la vingtième édition du festival Sakifo. Après avoir rapidement oublié le béton de Lyon avec un bain salvateur dans le lagon de Saint-Pierre, l’aventure commence. Je vous raconte !
Le IOMMa affiche une programmation pointue et éclectique
Mardi 4 juin 2024 : après onze heures de vol, me voici donc de retour ! À peine arrivé à l’aéroport, je suis happé par le roulèr du maloya que l’on entend dès les premiers pas sur le tarmac. Une ambiance électrique se fait ressentir, car des jours inoubliables nous attendent. Il suffit de voir l’engouement partagé par les différents professionnels à mes côtés venus assister à ces événements. Après avoir déposé nos bagages à mon désormais habituel hôtel, Le Lindsey, charmante maison familiale où nous croisons artistes et musiciens du monde entier, direction la Cité des Métiers pour assister aux différents ateliers et conférences. Des accolades, des retrouvailles, des échanges lors de ce moment. On se questionne sur les artistes émergents de l’Océan Indien, les enjeux stratégiques de cette zone dans l’industrie musicale internationale, tout en écoutant le parcours de l’artiste kényane Muthoni Drummer Queen.
Le soir, les concerts commencent avec la découverte du groupe afro-futuriste malgache Lovana. Une formation guidée par la voix et le flow de l’énigmatique chanteuse et guérisseuse Golly, soutenue par différentes percussions traditionnelles de son île et propulsée par des sonorités technos envoûtantes. L’île rouge est habilement représentée ce premier soir, avec Claudio Rabé qui démarre le deuxième showcase. Cet artiste est clairement l’un de mes coups de cœur du IOMMa et du Sakifo ! Rappeur, chanteur, danseur et chorégraphe, il fusionne les rythmes de sa ville natale, Tamatave, avec du hip-hop, du funk-rock et des productions électroniques. Sa musique groove et a marqué le public. La soirée continue avec Loryzine, un combo local de maloya qui navigue avec passion dans les différentes traditions des servis kabaré de La Réunion. Enfin, pour clôturer cette première soirée, une autre artiste lumineuse, la chanteuse Nomfusi, ravive l’esprit musical et militant des townships d’Afrique du Sud dans un mélange afro-pop et soul.
Mercredi 5 juin 2024 : de retour à la cité des métiers pour le traditionnel petit-déjeuner “Riz Chauffé” pour prendre des forces. Le Iomma nous accueille avec bienveillance. Il n’est donc pas surprenant que nous abordions quelques heures plus tard les questions de santé mentale dans nos métiers lors des conférences. Nous nous interrogeons également sur la place du jazz dans l’Océan Indien, étant donné la richesse du vivier culturel sur l’île, et nous échangeons sur la place de la chanson créole dans la francophonie.
Le soir, nous nous rassemblons de nouveau au Kerveguen pour les concerts, avec la chanteuse mozambicaine Assa Matusse qui ouvre le bal. Sa voix mélodieuse et sa musique jazzy-soul et saudade enchantent le public de la salle. Ras Ninin & the Kool Kreol font de même avec leur seggae, assemblage de reggae et de sega, démontrant une fois de plus le talent des musiciens mauriciens. Le trio féminin tanzanien Wamoto Music enflamme ensuite la scène avec leur singeli, musique des ghettos de Dar es Salaam en pleine effervescence sur le continent africain, scandant “Singeli to the World”. Nous poursuivons en communion et en transe sur le live onirique et puissant d’un talent de l’île qu’on ne présente plus, Labelle, venu clôturer cette deuxième soirée.
Le Sakifo célèbre vingt ans d’activisme et de découvertes musicales
Jeudi 6 juin 2024 : on termine le IOMMa en ouvrant le Sakifo. À l’occasion de ses deux décennies, le festival commence par une soirée gratuite mettant en lumière cet incontournable marché de l’Océan Indien. Huit artistes se sont relayés sur le site du Sakifo, se produisant sur trois scènes spécialement ouvertes pour l’occasion : Ti Bird on the Beach, la scène SACEM et la Salle Verte. Etinsel Maloya a sublimé cette dernière avec un set habité, prouvant qu’ils font partie de la nouvelle génération du maloya à suivre de très près. Sans oublier Lindigo, en formation familiale, acclamé par une foule en liesse. Nous découvrons Ayozaad, un projet qui représente avec brio l’esprit de ces deux événements. Des musiciens de La Réunion, de Maurice, d’Australie et du Cameroun se rassemblent pour dévoiler un monde où les traditions et les sonorités futuristes s’embrassent avec fougue. L’a cappella des Sud-Africains de The Joy nous bouleverse, tandis que Maya Kamaty, comme à son habitude, capte la totalité du public avec son maloya-pop qui transpire l’énergie des villes de l’île. Enfin, les performances impeccables de la rappeuse Muthoni Drummer Queen et de l’iconique rappeur de Soweto Stogie T se sont succédé sur la scène SACEM.
Le lendemain et jusqu’au dimanche 9 juin, le festival fête son vingtième anniversaire avec plus de quarante-neuf artistes programmés sur les cinq scènes du site. Le Sakifo devient, comme chaque année, une île dans l’île où chaque scène représente le vivier culturel de l’Océan Indien et de La Réunion, ainsi que ses talents, son ouverture et ses échanges avec le monde. J’ai donc arpenté durant 72 heures ce site en bordure de plage pour enregistrer les témoignages des artistes à l’affiche. Du côté de Ti-Bird on The Beach, dédiée aux différentes facettes de la bass music qui flirte avec diverses traditions, j’ai rencontré le producteur, chanteur et multi-instrumentiste réunionnais Aleksand Saya pour en savoir plus sur son maloya électronique qui lorgne vers le dancehall et le hip-hop. Son live très dansant a fait battre le pied sur le sable, autour de cet espace sonore à 360 degrés, où j’ai également interviewé la chanteuse et rappeuse Alo Wala ainsi que le producteur et danseur ougandais Faizal Mostrixx, qui ont tous deux fait exploser d’énergie le public.
Je retrouve Lindigo, qui en a profité pour me parler de son nouvel album quelques heures avant son concert mémorable, dans un esprit roots, dans la Salle Verte. Biga*Ranx a également profité de ce cadre idéal pour évoquer ses souvenirs avant son passage sur la scène Poudrière le dimanche. Nous naviguons entre le concert d’ IAM et la spectaculaire performance d’Aurus sur la scène Salahin, pour découvrir qu’une des portes des toilettes donne accès à un dancefloor secret, animé par les sets de DJ pendant ces trois soirs.
Nous découvrons la poésie nu-soul créole de l’artiste Natie sur la scène Filaos, en passant par la scène VIP avec un mix pointu du mauricien Avneesh, tête pensante du collectif Babani. Une vingtaine d’artistes par soir, tous les continents représentés et une pluralité de styles musicaux, mettent particulièrement en valeur les artistes de La Réunion et de l’Océan Indien. Le Sakifo propose une vision de l’humanité et de la culture essentielle, un festival au carrefour des identités culturelles et des métissages, qui donne lieu à de nouvelles façons de croiser les mondes musicaux, de sauvegarder les matrimoines et patrimoines, et de penser les musiques de demain. Avant de terminer la soirée en buvant un ti-punch lors du coutumier kabar maloya de la Salle Verte, Jérôme Galabert, fondateur du festival, s’est confié sur cet anniversaire qui restera indélébile.
Vingt ans d’échanges, de concerts, de rencontres et de souvenirs pour ce festival indispensable sur l’île de La Réunion. Ma troisième expérience avec le Sakifo fut marquante, avec encore beaucoup d’émotions avant de dire au revoir à toutes ces belles personnes, le temps d’une baignade, et de retrouver ce festival au plus vite.
Nartrouv’ IOMMa et Sakifo !