Rythmé par les illuminations de la tour Eiffel lors de la cérémonie des JO, le morceau culte « Supernature » de Marc Cerrone refait surface dans les Charts. Retour sur la Genèse d’une mélodie brillamment — et rapidement — conçue qui a bercé les années 70.
« Supernature », c’est 10 minutes de plaisir réalisées en une après-midi et qui perdurent 50 ans après.
Marc Cerrone, né en Seine-et-Marne — à Vitry-sur-Seine —, a su se hisser sur une scène vaste, occupant une place importante dans l’industrie internationale. Née aux États-Unis et à New York, le disco a fait des émules partout : dans le monde arabe (salut Habibi Funk), au Nigeria, en Suède ou en Italie, où Pino d’Angio, décédé ces dernières semaines, fut le prince de l’italo-disco durant des décennies. En France aussi, bien sûr, où Cerrone s’est rapidement imposé comme l’un de ses plus dignes représentants.
1976 ou l’année de tous les exploits
Alors qu’aucune maison de disques ne veut l’engager, Cerrone fait fabriquer à ses frais des exemplaires de « Love in C Minor », un morceau issu de son premier album studio du même nom, jugé trop long (15 minutes) par les radios et producteurs. Pourtant, la même année, sa quinzaine musicale reçoit un Grammy Award, Cerrone est inarrêtable.
Il collabore ensuite avec le compositeur de Boulogne Alain Wisniak — qui a bossé avec Christophe, Bob Sinclar… ou Question pour un champion. Les deux virtuoses coréalisent de multiples albums dont Supernature, troisième album baptisé comme le nom du single qui verra le jour en 1977.
« Et les sons étaient tellement étranges que quand je faisais écouter les prémisses à ma Maison de disque, ils prenaient ça à la rigolade »
– Nostalgie
« Supernature » : un travail d’équipe
Le titre emblématique naît d’une union mélodieuse où disco, électro et funk viennent se faufiler sous la voix de Key Garner, avec l’aide d’un synthé et d’une batterie qui ponctuent le tout.
Si les paroles font allusion à une prévention dissimulée sur les changements terrestres et universels, Cerrone affirme ne vouloir faire passer aucun message. Il recherche quelque chose de mystique, de troublant, créer un univers sonore par-dessus tout émotif et fantastique. On retrouve d’ailleurs cet aspect étrange sur la cover de l’album, quelque peu déroutante…
La place du synthé dans le morceau : révolutionnaire
Si ces 10 minutes sont devenues si populaires, c’est grâce à une nouveauté électronique qui arrive sur le marché dans les années 70 : le synthé. Cerrone s’amuse avec plusieurs instruments, il teste, mixe, invente, innove ; il touche à tout et pose enfin la main sur le synthétiseur ARP Odyssey. Il y adhère d’emblée, c’est la révélation. Une fusion passionnante émerge de manière intrinsèque entre le compositeur et les touches bicolores : en quelques heures, « Supernature » est achevé.
« J’ai commencé à bidouiller et, au bout d’un moment, j’ai trouvé une séquence qui me plaisait bien. Le morceau a pris forme progressivement à partir de là. »
– Les InRocks
Une influence intergénérationnelle : JO, Charts et Remix
Les chiffres abondent, mais…
Au départ, Cerrone est confronté à la réticence de sa maison de disque, qui adopte un ton condescendant face à la tonalité étrange du morceau. Finalement sorti, c’est un carton plein : « Supernature » occupe la première place du Hot Dance Club Songs, classement du Billboard Magazine des titres les plus diffusés en discothèque aux États-Unis. En 1977, en France, il se vend à plus de 150 000 exemplaires, et se classe dans le top 10 au Canada et au Royaume-Uni.
Ce succès transatlantique se traduit également par des reprises, en 1989, par le duo Erasure et en 2023 par Duran Duran, deux groupes britanniques. Aujourd’hui, il constitue une pièce maîtresse dans l’univers des DJs qui s’en inspirent aux quatre coins du globe.
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Aujourd’hui c’est le plus connu de ses titres et Thomas Jolly le sait bien. À l’issue de son apparition lors de la cérémonie du 26 juillet dernier, « Supernature » explose les Charts avec plus de 1 200% d’écoutes en 48h et 1,5 million de Shazam.
Sous les projecteurs de la tour Eiffel, « Supernature » retentit dans un microcosme de festivité, un cadre semblable à une discothèque… Alors quoi de mieux que du Cerrone pour rythmer ce spectacle ?
À la télé, les plans alternent entre le relais de la flamme de Rafael Nadal, Serena Williams, Carl Lewis, Nadia Comaneci et la performance du danseur Shaheem Sanchez qui interprète poétiquement « Supernature » en langue des signes.
Le musicien déclare :
« C’était une grande émotion, une grande fierté et c’était grandiose d’entendre ce morceau au milieu de cette illumination de la tour Eiffel. Je n’avais jamais vécu un truc pareil. »
– Le Figaro