Avec son premier long-format, FKA Twigs compose sa propre vision du R&B, résolument novatrice. Sorti en 2014, « LP1 » a fêté la semaine dernière ses 10 ans. Ce qui nous a évidemment donné envie de revenir sur le disque et le parcours de l’artiste jusqu’ici.
Il ne faut pas se fier aux apparences : derrière un titre un peu brut, aux faux airs de première version pas mixée, LP1 tient de tout sauf du hasard. Après les EP1 et EP2, sortis respectivement en 2012 et 2013, FKA Twigs continue d’entretenir son personnage mystique et dévoile l’année suivante son tout premier album. Largement salué au moment de sa sortie, ce premier long format est une vraie prise de risque expérimentale, que peu d’artistes auraient pris à leurs débuts. Pour FKA Twigs, ce premier disque est aussi une manière de s’affirmer en tant que musicienne.
De danseuse figurante à pionnière d’un R&B futuriste
C’est par la danse que l’artiste britannique fait ses premiers pas dans le monde de la musique. Née à Cheltenham (Gloucestershire) d’une mère danseuse, elle aussi, et d’un père trompettiste, Tahliah Barnett de son vrai nom apparait au grand public dès ses 17 ans en tant que figurante dans des clips d’Ed Sheeran, Kylie Minogue, ou encore Jessie J. Elle est aux côtés de cette dernière dans le clip de « Do It Like A Dude ».
Devenue Twigs (« brindille » en anglais) puis FKA Twigs, l’artiste ne perd jamais de vue sa passion pour la musique, et signe dès ses 26 ans sur le label indépendant Young Turks – à l’instar de Jamie xx ou Sampha. Dans « Video Girl », extrait de LP1, l’artiste répète : « Was she the girl that’s from the video ?/ You lie and you lie and you lie » (« Est-ce que c’est la fille de la vidéo ? / Tu mens et tu mens et tu mens »), comme une manière de rappeler d’où elle vient et ce à quoi elle ambitionne.
Elle ne laisse tout de même pas de côté ses talents de danseuse et les met à profit, notamment dans ses clips, dont celui de « Pendulum », le morceau phare de l’album.
Métamorphoses
Dans la continuité de son EP2, produit par Arca, FKA Twigs s’entoure à nouveau de son amie et productrice pour LP1 – elles collaboreront à nouveau pour la mixtape Caprisongs en 2022-, et d’une équipe de producteurs à l’œuvre tout au long des dix titres. Le résultat ? Un R&B nouvelle ère aux confins de la soul et de l’électronique tendance cyberpunk, des glitchs et des expérimentations grandioses. FKA Twigs enchaine les mutations, d’une voix pimpée avec des effets numériques, une 808 jamais bien loin et des boîtes à rythme difformes.
Elle partage sa direction artistique avec l’artiste Jesse Kanda, qu’elle a rencontré grâce à Arca. Jesse Kanda a déjà travaillé sur son deuxième EP, et plus particulièrement sur les clips de “How’s That” et de “Water Me”.
C’est lui qui est chargé de réaliser la pochette de l’album – dans ce cadre, notons qu’il a déjà collaboré avec Björk pour la cover d’Utopia. Fan de visuels viscéraux et de mutants en 3D bien creepy, Jesse Kanda a travaillé à partir d’une photo de l’artiste, qu’il a ensuite manipulée et déformée sur un logiciel, avant de peindre le résultat.
Au sujet de la pochette de LP1, Jesse Kanda expliquait au magazine britannique Dazed : « We did the front cover for her album in my room, with my shitty lights, and no people running around. I have the most control when I do everything myself. I’m not a director that knows how to get people together and tell them exactly what to do » (« Nous avons réalisé la couverture de son album dans ma chambre, avec mes lumières de merde et sans personne autour. C’est lorsque je fais tout moi-même que j’ai le plus de contrôle. Je ne suis pas un réalisateur qui sait comment réunir des gens et leur dire exactement ce qu’ils doivent faire »).
En 2015, la pochette a été nominée aux Grammy Awards dans la catégorie « Best Recording Package ».
Au-delà de la musique, FKA Twigs a tissé jusqu’à maintenant des liens forts avec son public. Elle crée même sa propre communauté rassemblée sur le réseau social Discord, rebaptisé « Twigscord », qu’elle décrit comme « une safe place pour les fans de musique de tous horizons pour discuter et se faire des amis ». C’est aussi là que l’artiste parle de son prochain projet, EUSEXUA, distillant au compte-goutte quelques indices avant sa sortie.
Plus encore, l’artiste a récemment fait parler d’elle en prenant la parole au Congrès américain contre l’intrusion de l’intelligence artificielle dans le monde de la musique. FKA Twigs a notamment dénoncé l’usage des deepfakes (ou « hypertrucages » comme le disent nos ami‧es québecois, comprenez de fausses vidéos faites à l’intelligence artificielle). Elle a encouragé les artistes à s’approprier ces nouvelles technologies. Twigs a d’ailleurs pris les devants en la matière puisqu’elle a créé son propre deepfake et entrainé une IA pour gérer ses « interactions en ligne », lui permettant de s’investir complètement dans la musique.