Vendredi, le Bassiani, incontournable club techno de Tbilissi, n’a pas ouvert ses portes. Les clubbers étaient appelés à s’élever contre Rêve Géorgien le parti (bien) autoritaire au pouvoir. Dans les mémoires, la mythique Revolution Rave géorgienne de 2018 est encore brulante. Sommes-nous à l’aube d’une nouvelle Rave-olution ?
Comme d’habitude, le vendredi, en Géorgie, le club Bassiani est BLIN-DÉ. Des cool kids jusqu’à la communauté LGBTQUIA+ : tout le monde est hyper looké et vient danser dans le plus grand club techno du pays, construit dans une ancienne piscine. Les photos sont interdites à l’intérieur… c’est un peu le Berghain de la Géorgie.
Le Rêve géorgien tourne au cauchemar
Mais ce vendredi dernier, rien. Silence. Le Bassiani a décidé de faire grève pour inciter les clubbers à aller voter. Foncer aux urnes pour se prononcer contre le tournant ultra-autoritaire du parti Rêve Géorgien, au pouvoir depuis 2012 et ouvertement pro-russe. Ces derniers mois, le parti d’extrême-droite n’a eu de cesse de passer des lois illibérales de plus en plus affreuses. En avril, il a voté une loi sur les « agents de l’étranger« , directement calquée sur la législation russe, qui empêche toute adhésion de la Géorgie à l’Union européenne puisqu’elle limite drastiquement la liberté des médias. Il y a deux semaines, une autre loi, censée protéger les « valeurs familiales« , a interdit toute mention des enjeux LGBTQIA+ dans les rues, les écrans et les manuels scolaires.
Protéger, pour mieux lutter
Face à la répression, le club Bassiani a toujours été un safe-space et haut-lieu des luttes politiques et sociales en Géorgie. Pour y entrer, la carte d’identité ne suffit pas, on vérifie aussi vos réseaux sociaux. Le mot « révolution » n’est pas non plus un qualificatif étranger au club : il a été au cœur d’un mouvement de contestation charnière dans le pays.
La Révolution Rave
Dans la nuit du vendredi au samedi 12 mai 2018, des policiers antiémeutes encagoulés ainsi que des unités paramilitaires spécialisées débarquent pour fermer le Bassiani. Officiellement, l’opération avait pour objectif le démantèlement de trafics de drogues, mais il n’a y aucun doute qu’il s’agissait d’un acte d’intimidation violent envers les clubbers géorgiens. Autant dire que l’intervention ne produira pas les résultats attendus, puisqu’elle déclenchera ce que l’histoire appelle La Révolution Rave. Le soir même, des milliers de personnes déferlent dans les rues de Tbilissi, en dansant, avec musique à fond et fumigènes, jusqu’à poser la teuf devant le Parlement géorgien. La manif a duré jusqu’au dimanche.
La Géorgie en proie à l’autoritarisme
La situation actuelle s’annonce néanmoins encore plus difficile que par le passé pour la Géorgie. Ce vendredi dernier, c’était grève, samedi, c’était immense manif artistique au Bassiani en réponse aux élections, mais ce matin, c’est la grosse gueule de bois. Rêve géorgien, annoncé vainqueur des élections législatives, est accusé d’avoir manipulé les votes, aidé par la Russie. Plusieurs médias et ONG ont dénoncé beaucoup d’incidents, avançant comme preuves des vidéos de violences devant des bureaux de vote, d’agressions de journalistes et de bourrage d’urnes. Le parti ultraconservateur remporterait 54% des voix, contre moins de 38% pour toute l’opposition rassemblant une coalition de partis.
Serions-nous à l’aube d’une nouvelle Révolution Rave ? En tout cas, Nova suit et soutient l’action et l’âme du Bassiani club de la rue Tbilissi.