La semaine dernière, des manifestant‧es étaient réuni‧es sur le pont de Lekki à Lagos, au Nigeria, en mémoire de la fusillade sanglante du 20 octobre 2020. Ce n’est pas un hasard si le projet documentaire Coconut Head Generation est dans tous les cinémas depuis mercredi dernier. Tourné dans un ciné club étudiant, il donne à voir le mouvement pacifique depuis l’amphi de l’université d’Ibadan.
La fusillade du dimanche 20 octobre 2020 est une tragédie encore fraîche dans les esprits au Nigéria. Ça s’est déroulé sur le péage de Lekki, à Lagos : 11 morts qui marquent la fin de deux semaines de manifestations pacifiques pour une meilleure gouvernance et contre les violences policières. Dans le viseur des protestations, la dénonciation de la brutalité de l’unité de police gouvernementale SARS, la brigade spéciale anti-braquage, connue depuis 1992 pour ses rackets, harcèlements, tortures ou meurtres…
Le mouvement s’appelait End SARS. Largement diffusé sur les réseaux sociaux, il était pourtant nié par le gouvernement qui ne s’est pas gêné pour parler de “massacre fantôme« , faute de preuves et de cadavres. Certains manifestants arrêtés à l’époque sont restés près de deux ans en prison.
Le combat d’un ciné club nigérian
End SARS a aussi bouleversé le tournage d’Alain Kassanda, qui documentait un ciné club étudiant à l’université d’Ibadan, la plus ancienne du Nigeria. Tous les jeudis, ces étudiants se retrouvent et parlent féminisme, colonisation, défaillance du système éducatif… Devant la caméra de Kassanda, le ciné club se transforme peu à peu en lieu de rassemblement et de discussion qui nourrit la révolte étudiante dans la rue. En 2024, Coconut Head Generation est désormais dans tous les cinémas. Le documentaire a même eu le temps de remporter le Grand prix au festival Cinéma du Réel.
De Sevran à Ibadan
Alain Kassanda, le réalisateur, est né au Congo, puis a passé la fin de son adolescence en France. Là, il a été programmateur du cinéma 39 Marches, à Sevran, en Seine-Saint-Denis. Il suit ensuite sa femme au Nigeria et c’est là qu’il rencontre un groupe d’étudiants d’Ibadan qui fera naitre le ciné club…
Coconut Head
Coconut Head Generation, c’est un titre qui retourne une insulte bien connue au Nigéria. « Coconut Head » désigne quelqu’un qui a la tête creuse et qui est borné. Le groupe d’étudiants expliquent : “On nous appelle la génération smartphone, des jeunes paresseux, irresponsables, sans emploi, la tête dure et creuse comme une noix de coco. Et si on reprenait ces insultes, qu’on se les réappropriait, qu’on les renvoyait à la figure de la vieille génération pour leur faire savoir que nous pouvons être tout cela et fabuleux malgré tout ?”. Là était l’enjeu du film, pour le réalisateur.
Entre caméra à l’épaule, images d’archive et d’internet, le spectateur se retrouve dans cet amphi devenu une agora politique de débats et réflexions, où l’on aiguise son regard critique, avant de plonger dans les manifestations des rues de Lagos…. Coconut Head Generation, c’est à voir dans tous les cinés !