Peut-être que comme 113 547 personnes, vous vous répétez des mantras et écoutez des méditations bizarres depuis vendredi 1er novembre. Ça, c’est si vous aussi vous vous lancez dans le « mois sans tabac ». L’occasion de parler d’un truc qui inquiète (surtout à l’étranger) : le retour de glam de la clope dans la pop culture. Et c’est pas bien du tout.
On ne vous apprend probablement rien en vous disant que dans l’imaginaire collectif, fumer, c’est cool. La gestuelle, le petit air désabusé… Personne ne saurait vraiment l’expliquer, mais il y a bien une aura particulière qui se dégage de cette pratique, qui encrasse pourtant nos poumons comme un vieux pot d’échappement et nous rapproche pas à pas du cancer du larynx.
Des lobbies surmotivés qui ont créé un besoin
Comment les cigarettes se sont-elles donc autant imposées comme ces accessoires indispensables (et faussement inoffensifs) du cool ? D’après de multiples historiens (notamment celui du génial bouquin « Pourquoi fumer c’est de droite »), les lobbies du tabac ont fait du beau (moche) travail. Jusqu’aux années 50, ils ont déboursé des milliards pour que des médecins affirment dans la presse que la clope soignait l’asthme, la grippe ou encore la bronchite. La farce a tenu jusqu’à ce que ne sortent les premières études qui ont prouvé aux médecins que tout cela n’était qu’un écran de fumée. Les entreprises refourguaient aussi leurs bâtons de goudrons à tout Hollywood, créant de toutes pièces une pratique sociale et culturelle inédite qui est devenue la norme. La clope, c’est le capitalisme : une entreprise est parvenue à nous faire croire que l’on a terriblement besoin de quelque chose qui, non seulement est inutile, mais nous tue à petit feu ! Comme le relève Olivier Milleron, il n’y a rien d’étrange dans le fait d’entrer dans une ZAD (une zone à défendre) avec un paquet de Malboros, alors que c’est la même chose que si vous entriez avec un McDonald au bras.
La pop culture nous enfume…
En 2024, à force de mesures politiques et d’éducation, les prix des cigarettes ont augmenté et le nombre de fumeurs et fumeuses a baissé. Mais tous ces efforts sont peut-être en passe de se faire complètement saboter… Plusieurs médias (étrangers notamment puisque la France fait partier des plus gros fumeurs) s’inquiètent du retour de la clope dans le paysage culturel. De Charli XCX à la cérémonie des oscars.
L’inventrice du « brat », le titre de l’album de Charli xcx (« sale gosse » en français) à la police floutée sur fond vert iconique vient d’être élu mot de l’année par le Collins Dictionary’s britannique. C’est vous dire l’influence de l’esthétique et la véritable « way of life » Brat. Un état d’esprit qui a dépassé les seules frontières du dancefloor puisqu’il a muté en « Brat Summer« , défini par Charli XCX elle-même comme « un paquet de cigarettes, un briquet Bic et un débardeur blanc sans soutien-gorge… » Nous y voila. La chanteuse Rosalía s’est carrément pointée à la soirée d’anniversaire de la popstar avec un bouquet de fleurs fait en cigarettes.
Fumer la vie avant qu’elle ne te fume : le retour d’une esthétique trash
Les célébrités annonciatrices du retour en grâce de la cigarette ont un nom : les cigfluencers, un savant mélanger d’influenceurs et de cigarettes. Le terme a été popularisé par la page Instagram du même nom, suivie par 60 millions de personnes et sur laquelle sont relayées des photos de diverses stars, la clope au bec. Cette tendance de la cigarette porte en elle une certaine idée, éminemment cool : celle de fumer la vie avant qu’elle ne te fume. Allumer une clope, c’est adopter en fait une esthétique moins lisse, un peu gueule de bois, avec un fond de « je ne crois plus en rien, donc me griller une clope dans un monde qui crame, ça ne peut pas être bien grave« . À rebours d’une esthétique yoga-graines de chia à l’américaine, voilà le retour du trash.
Le cinéma et la clope, une addiction persistante
Le septième art continue d’être hyper influencé par cette mode : rien qu’aux Oscars, ça fumait dans 9/10 des films primés… La Ligue française contre le cancer a alerté sur le cinéma français en particulier : “entre 2015 et 2019, plus de 90% des films comprennent au moins un événement, un objet ou un discours en rapport avec le tabac : personnes en train de fumer, présence de cendriers, cigarettes, personnage qui parle de tabac.” Nul besoin de chiffres pour comprendre que le simple fait de voir ou entendre parler de cigarette, donne envie de fumer, mais si vous les voulez, ils sont ici.
En France, les puffs dans le viseur
Bon, heureusement, selon la dernière enquête Escapad de l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives, les jeunes fumeraient deux fois moins qu’il y a dix ans. Il faut néanmoins mesurer ce désaveu des cigarettes auprès moins de 18 ans, puisque l’usage quotidien des puffs (cigarettes électroniques) a aussi triplé en cinq ans. On en a vu dans les mains de l’actrice Adèle Exarchopoulos dans ses dernières apparitions sur YouTube par exemple. Évidemment, il y a beaucoup plus de risques de commencer la cigarette après avoir vapoté, surtout quand votre artiste préféré‧e vous dit que c’est trop cool.
Alors disclaimer : fumer ne nous rend pas cool, mais prépare plutôt notre lit de mort. Invoquons l’Organisation mondiale de la Santé qui atteste que le tabac fait plus de 8 millions de morts chaque année dans le monde, dont 1,3 million de non-fumeur‧euses exposé‧es à la fumée du tabac. Courage à tous et toutes pour ce mois de sevrage sans tabac !