Fable gore sur le vieillissement ou immersion documentaire d’une bourgeoise chez les smicards usés jusqu’à l’os, le cinéma engagé prend littéralement corps.
« The Substance » : Plus de substance, vous dis-je
Bien malin celui qui oserait dire que le cinéma d’horreur est resté domaine réservé au genre masculin. Depuis plusieurs années maintenant, les réalisatrices se sont emparées de ce genre. Normal, quand il peut être l’endroit où faire parler sa colère. Ainsi de The Substance, variation du Portrait de Dorian Gray, recontextualisée dans une époque contemporaine qui n’en a toujours pas fini avec l’objetisation des corps féminins. Voilà donc une présentatrice d’émission de fitness qui se fait virer du jour au lendemain parce que jugée trop vieille, à qui l’on propose un produit-miracle lui permettant de créer son double dans une version rajeunie. Seule contrainte, elles doivent partager leur temps, une semaine sur deux. La suite sera une fable gore sur le règne de l’image à outrance et des névroses profondes qui en découlent. The Substance se lit d’autant plus entre les lignes, que Coralie Fargeat a extirpé des limbes Demi Moore, actrice reine du box-office dans les années 80-90, quasi-portée disparue une fois la cinquantaine atteinte. C’est peu de dire que Demi ne fait pas les choses à moitié pour cette résurrection, pour une performance ahurissante, entre autocritique et règlement de comptes avec la sphère médiatique. The Substance tient de toute façon d’une cure de jouvence, en se ressourçant pleinement aux excès du cinéma d’horreur indépendant américain des années 80, parfois jusqu’à n’être que son recyclage. Dommage qu’en n’y apportant, à l’exception d’un final aussi débridé que dantesque, rien de plus en termes de transgression ou de propos, Fargeat se borne à une série B joyeusement malpolie, certes jouissive, mais donc au final sans autre substance dans son discours qu’une grosse gueulante, aussi roborative soit-elle.
« Au boulot ! » : François Ruffin Vs Sarah Saldmann
À sa manière, François Ruffin, raconte aussi une autre transformation au féminin avec Au boulot ! À partir du pari lancé à Sarah Saldmann, avocate muée en chroniqueuse chez Pascal Praud, de vivre dans les conditions de travailleurs smicards, Ruffin l’embarque au contact du prolétariat. Le projet se fait rapidement flou, Au boulot ! se limitant à un épisode de Vis ma vie. Plus intéressante que la confrontation entre la bourgeoise et les travailleurs précaires, ne laissant aucun doute sur le retour de Saldmann à son monde une fois cette parenthèse refermée, celle, moins démago, avec Ruffin pour un jeu de chat et de la souris où l’on ne sait pas qui finira par croquer l’autre. Jusqu’à ce que Saldmann craque et disparaisse de l’écran pour retourner à ses élucubrations sur les plateaux de CNews, laissant Ruffin avec un film certes en rade, mais surtout désabusé quand il confirme la séparation entre les France d’en haut et d’en bas, vestes pailletées à 2800€ pièce et Gilets jaunes rapiécés, chacun toujours plus proches d’un entre-soi. Et de fait qu’il y a encore beaucoup de boulot avant que leur réconciliation ne s’opère…
The Substance / Au Boulot ! En salles le 5 novembre.