Élégie enthousiasmante de la culture queer ou joute théologique déguisée en film d’horreur, les sorties de la semaine montrent leur culte.
« Les Reines du drame » : un concentré queer flamboyant
Les anglo-saxons sont beaucoup plus forts que nous en matière lexicale. Comment traduire en français ce qu’est le camp. Rien à avoir avec le camping, mais avec un mouvement culturel basé sur l’extravagance, le subversif et l’ironie. Depuis les années 60, c’est devenu une des constantes de l’univers gay, avant même qu’on le rebaptise queer. Pour faire simple, on peut y intégrer autant les comédies provocantes de John Waters que les mélos haut en couleurs de Douglas Sirk ou les expérimentations de Kenneth Anger. Jusque-là, il n’y avait pas d’équivalent pleinement français. C’est désormais le cas avec Les Reines du drame. La romance contrariée entre deux chanteuses, une punk et une petite-bourgeoise tient autant d’un concentré de toute la pop-culture actuelle, des émissions de télé-réalité aux YouTubeurs aux drag queens, qu’à une cinéphilie allant d’Une étoile est née à Phantom of the Paradise. Le tout pour un résultat décapant suturant l’esprit naïf des sitcoms d’AB production au regard franc d’un Fassbinder, la flamboyance romanesque des grandes histoires d’amour maudites à un discours ouvertement politique sur l’intégrité artistique. Le plus touchant restant une sincérité de tous les instants, y compris dans ses excès. Les Reines du drame revendiquant, au-delà de celle queer, l’envie de faire de l’identité de manière globale, un lieu d’inclusion absolue. Le film d’Alexis Langlois y gagne une part fédératrice jusque dans ses chansons, composées par Yelle, Rebeka Warrior ou Mona Soyoc, artistes loin de la sphère mainstream signant pourtant ici des morceaux acidulés au potentiel d’authentiques tubes ultra-populaires à reprendre en chœur.
« Heretic » : un passionnant débat théologique déguisé en film d’horreur
De ce probable film culte au denier du culte, il n’y a étonnamment qu’un pas franchi cette semaine avec la sortie concomitante d’Heretic, autre drôle de film, désireux lui aussi de casser les barrières, pourquoi pas autour d’un paroissien pas très catholique quand il cache un psychopathe. Lorsque deux mormones le visitent pour tenter de le convertir, il va les convier à une joute rhétorique autour de la possible intox des religions avant de les séquestrer pour leur proposer d’assister à sa propre conception d’un miracle. Heretic démultiplie son jeu de chat et de la souris en déguisant un film d’horreur en passionnant débat théologique et vice-versa. Voir vice tout court, en ayant confié le rôle principal à un Hugh Grant très loin de ses rôles de gendre idéal. Sa composition de papy aussi érudit que manipulateur en fait un formidable méchant de cinéma, charmeur et pervers, mais avant tout troublant quand sous sa folie percent de vraies questions autour de la notion de croyance. Et s’il se sacrifie un peu sur l’autel du grand guignol dans sa dernière partie, le scénario d’Heretic, particulièrement retors quand il combine malignement mystique et démystification, achève de faire foi d’un cinéma de genre encore capable d’être ultra-divertissant et profondément philosophique.
Les Reines du drame / Heretic. En salles le 27 novembre.