Une critique littéraire au vitriol
Après l’analyse coup de poing de Marion et Simon les Chatons, deuxième critique littéraire au vitriol, mais pas à l’emporte-pièce.
Aujourd’hui c’est à un autre monument du genre « littérature pour enfants » qu’on s’attaque : La provision de bisous de Zou. Et autant dire que lui aussi fiche la neurasthénie.
Le titre à lui seul matérialise dès la couverture la turpitude de l’auteur. Il plagie sans vergogne la chanson Zou Bisou Bisou de 1962. Du moins, il calque son procédé terminatif en –zou.
Par cet incipit à la va-vite, l’auteur Michel Gay pose un postulat qui manque pas d’air : on connaît déjà Zou.
Mais si on sait par le dessin que le personnage principal est une baltringue, quid de ses conflits intérieurs ? d’une narration un brin plus explicative qui saura expliquer son comportement futur ? (Fermons les yeux sur l’acquis n°1 du récit, et peut-être le plus gonflé : les zèbres sont civilisés. Maman Zou arrive même à tenir une aiguille au sabot, sans pouce opposable. Vas-y, carrément, plus c’est gros plus ça passe)
En fait, l’auteur estime pompeusement que le lecteur connaît Zou, qu’il a lu toutes ses aventures : Zou à Vélo, Zou n’a pas peur et Zou je colorie sans déborder (même si cette dernière est une narration participative, en co-écriture avec le lecteur. Une paresse d’écrivain, donc). Sauf que personne n’a lu Zou 1. Ni Zou 2 ou 3.
Arrêtons-nous un instant sur le nom de l’auteur : Michel Gay.
Allez on reprend. Ce n’est que la veille du départ que ce gogol de Zou « comprend qu’il va devoir dormir en colonie ». Et là c’est la panique ; pourtant la narration interne faiblotte ne provoque aucun état d’anxiété chez le lecteur intelligent.
Page 9. C’est le grand jour. Zou boude mais « Zou est prêt ». Sur le papier, niveau look, il n’a toujours aucune chance d’être choisi dans la chambre des cool à la colo. (Image ci-dessous)
Ses parents (le père c’est le zèbre en pantalon, la mère celle qui porte la même robe depuis deux jours) ont une surprise pour leur Zou-Fils. Une boîte remplie de « bisous ». En gros : des bouts de papiers déchirés sur lesquels la mère a posé des baisers obscènes au rouge à lèvre.
Ils espèrent ainsi rassurer leur poulain dans ses nuits d’insomnie. En filigrane, on comprend surtout que bébé zèbre a un petit souci d’énurésie nocturne, de pipi au lit. On est pas au quart de l’histoire que l’élément de résolution scénaristique, des bisous, résout d’emblée tous les conflits. Quel schéma narratif de pacotille.
Et puis il y a suffisamment de « bisous », je cite le père, « pour t’endormir et te réveiller tous les jours ». Malgré l’absurdité de l’argument – un somnifère qui permet de s’endormir ET de se réveiller (yes, super) – la rhétorique fonctionne sur Zou, décidément pas finaud.
Notre héros zèbre dont l’ânerie confine au handicap tombe dans le mytho de ses parents et reprend du poil. De la bête.
Pardonnez la digression, mais faut savoir qu’en plus, dans le langage des pédopsychiatres, un « zèbre » surnomme un enfant surdoué. Le locuteur se paye notre tête avec la symbolique même du récit.
Direction la page 11. À la gare, le lecteur réalise avec stupeur que c’est une colo (une société ?) réservée aux zèbres. Contrairement aux autres grands zèbres de l’histoire de l’art, comme Marty le zèbre du dessin animé Madagascar, Zou ne connaît pas de lionceau ni de girafon.
Pour un animal couleur respect, black & white, avec sa tête choco-vanille d’Oreo, Zou a tout l’air d’évoluer dans un aryanisme littéraire salé.
Dans le train (conduit au sabot si on suit la « logique ») bondé de zèbrons qui se ressemblent tous, Zou fait semblant de pas voir ses parents sur le quai « pour faire grand » (p12, ligne 2 (il y a 3 lignes en tout)). Il se donne cette posture 5 minutes mais bientôt il pleure, transi, parce que c’est une baltringue (cf le début de ce commentaire de l’œuvre).
Et là, que sort Zou pour sécher ses larmes ? je vous le donne en mille.
Un bisou.
Et ouais, un buvard embrassé par maman. Non mais c’est extra. Zou va même jusqu’à hennir : « Hum ! C’est bon ». Et là, enfin, le propos véritable du livre et son lot de symbolisme immoral sautent aux yeux. Saute DES yeux de Zou.
Dans les pupilles dilatées de Zou après la prise d’un bisou, on comprend que la synecdoque « bisou » cache en fait le champs lexical de la drogue. Ce petit bout de papier n’est autre que l’allégorie d’un buvard de LSD, et les effets planants d’un bisou sont bien ceux de l’acide, ça fait aucun doute.
Michel Gay n’en reste pas là. Il enfonce son personnage dans le grand banditisme quand un autre moutard se met à chialer dans le wagon.
Là autant vous dire que c’est l’engrenage. Zou lui file un buvard et finit par distribuer ses « bisous » narcoleptiques à tous les zèbrons. Comme tout bon dealer, il fidélise sa clientèle en donnant ces premiers shoot gratos (après ça coûtera bonbon).
Zou, l’homme de main malgré lui de parents narcotrafiquants, réussit ce coup de maître. Tous les petits zèbres sont complètement défoncés.
Michel Gay, sa morale à toute épreuve, conclut son torchon toxico par un deus ex machina à la portée désastreuse pour nos enfants.
Au réveil, encore sous LCD, les ‘tis zèbres ont l’impression que le train roule sur l’eau. Pis, Zou, grâce à son business est devenu le caïd de la colo : « Tous les zèbres veulent prendre leur petit déjeuner avec Zou. »
Cerise sur le gâteau, notre mini Francis le Belge zébré, seul gosse top-less, va sûrement finir, comme tous les enfants en classe verte, par se faire dépuceler (par la petite en violet jpense).
Non mais franchement.