Max Linder, le modèle de Charlie Chaplin est un Français oublié. Retour sur l’histoire d’une drôle de vie.
C’est le sosie de Marcello Mastroianni, avec dans le regard, une touche de tristesse à la Patrick Dewaere, toujours vêtu d’une redingote, avec pantalon rayé et guêtres blanches sur des bottines vernies et un haut de forme « huit reflets » posé sur sa belle tête de bringueur rétro…
Il court dans tous les sens, tombe, casse, danse, saute et bondit comme un Jiminy Criquet sous cocaïne… Il est petit, moustachu, gominé , avec de grands yeux noirs.
Il est Bordelais, fils de viticulteur, et il a INVENTÉ, dès le début du vingtième siècle, les comédies burlesques, les sketches acrobatiques, par le biais d’un personnage vif, excité, un clown urbain qui s’agite sans cesse et drague toutes les filles qu’il croise…
Son premier coup de génie est d’avoir – tout d’un coup – décidé de s’appeler MAX LINDER ; un nom bizarre mais qui sonne international… Lui qui s’appelait Gabriel Leuvielle.
Avant Mac Sennett, Chaplin, Buster Keaton et les autres, il a tourné des dizaines de petits films et remporté un succès incroyable de la Russie à l’Europe, puis en Amérique où il devint une star incontesté et le premier « auteur » nommé et cité du cinéma naissant…
« Max Linder fait du ski », « Max patineur », « Max au cirque » et même « L’Étroit Mousquetaire », une parodie folle ou Max explose le film de cape et d’épée, ferraillant frénétiquement avec tout ce qui bouge.
Un inquiet, un romantique, un hypersensible
Toute sa folle carrière se déroule dés 1905 (ce qui est franchement tôt ! ) avec Pathé ; en 1925, c’est déjà fini ! Succès, voyages, honneurs et fin brutale… Aussi speed que Max lui même !
Chaplin est plus jeune que lui de 7 ans, et n’apparaitra vraiment à l’écran que vers 1914. Mais lui ne cessera plus de tourner et de conquérir la planète, d’abord comme Max Linder avec de petites scènes burlesques, puis des courts, puis finalement des longs et du grand spectacle (Charlot chercheur d’or, le Kid, Les Feux de la Rampe, le Dictateur…).
Chaplin & Linder
LE CINE N’ETAIT PAS UN SUCCES
Max a ouvert la voie, mais le personnage était un inquiet, un romantique, un hypersensible ; il s’est ouvert les veines à 40 ans, avec sa jeune épouse de vingt ans, dans un hôtel, sans explication… Une fin digne des grands punks, Syd Vicious et Nancy Spungen !
Ce STOP, brutal et sanglant, a tout bloqué dans l’histoire de Linder : il fallait tourner la page, oublier, ne pas en parler, liquider l’affaire Linder… Trop bizarre, à tel point que sur 500 films, il n’en restera pas même 100 de sauvés…
Chaplin a compris qu’un clochard irait plus loin
Même la famille elle-même en a balancé ou perdu, et les productions avaient mieux à faire que de conserver des copies, dispersées aux quatre coins du monde…
« The show must go on », l’idée géniale de petits films, bourrés de gags visuels, de situations absurdes, délirantes, cocasses, enchantait un public pas vraiment attiré par les salles obscures dans lesquelles il s’ennuyait presque devant les scènes historiques ou d’amour ! Et oui (seuls les films d’action et d’aventure ainsi que les sujets fantastiques et d’horreur, continueront de lancer le cinéma…).
La recette Linder va donc faire école et les années vingt ou « années folles » et même la récession ( les années trente) et la guerre, plus rien n’arrêtera le cinoche.. Ni les enfants de Max Linder, Sennett, Keaton, Laurel & Hardy, Harry Langdon, les Marx Brothers et tant d’autres clowns burlesques ne vont cesser de se multiplier.
Quand Max interprétait un petit bourgeois agité et charmeur, Chaplin a compris qu’un clochard, encore plus acrobate et farceur, un punk bagarreur avec des gags encore plus visuels et dévastateurs, irait plus loin.. Bien vu.
Max Linder s’est suicidé par neurasthénie, mal de vivre, nerfs et corps usés, conscient que l’Amérique allait accomplir ce qu’il avait lancé. Il régla toutes ses affaires – paraît-il consciencieusement, avant de partir… en claquant la porte ?
Coffret de 3 DVD
10 courts métrages + 2 longs métrages et une biographie illustrée
+ Livret de Maud Linder sorti chez Montparnasse Video.
© Maud Linder