1939, à Washington. L’esplanade du Lincoln Mémorial est noire de monde. 75 000 personnes sont venues écouter Marian Anderson chanter sur les marches du mémorial dédié au Président Lincoln, en ce dimanche de Pâques. Dans cette Amérique ségréguée, voir une cantatrice noire, petite-fille d’esclaves, dans un lieu aussi emblématique est exceptionnel.
Nous sommes quinze ans avant le mouvement pour les droits civiques des noirs américains, dont les prémices se font déjà sentir. En cette année 1939, Marian rentre d’une tournée européenne, où la presse l’a encensée, et en entame une nouvelle aux États-Unis. Celle-ci s’avère bien plus difficile.
Elle doit voyager dans les wagons attribués aux Noirs, ne peut réserver de chambres d’hôtel à son nom et même lorsqu’elle remplit de prestigieuses salles de concert, il arrive qu’elle se voit exclue des loges, alors même que le public de ses concerts est majoritairement blanc.
Ce dimanche de Pâques 1939, Marian ne sait pas si les notes vont sortir de sa gorge. Elle n’a jamais chanté devant une foule pareille, et surtout, elle sent qu’il se passe quelque chose de bien plus important qu’un simple concert. La politique a infiltré son art.
Car derrière l’organisation de cet événement, il se cache une grande dame, une première dame : Éleanor Roosevelt, la femme du président.
Un épisode écrit, raconté et réalisé par Clémentine Spiler.
Visuel © Getty Images