Géographie nostalgique… Un endroit peut-il disparaître ?
Un merveilleux album de cartes anciennes en couleurs pastels, mais surtout une cinquantaine de lieux et destinations mythiques qui ont disparu de la carte du monde !
Oui, disparus lexicalement par changement de nom – et souvent des noms sublimes, exotiques, et qui nous faisaient rêver – soit par la décolonisation ou changement de gouvernement, de frontières ou de statut.
Tout de suite, un exemple : Madras, ville, port, comptoir de tous les possibles et de toutes les marchandises rares, comme ces fameux cotons à carreaux, qui ont donné les chemises et bermudas « madras » qui ont été l’emblème des sixties, surfeurs , hippies et travellers .
Oui, Madras est devenu « Chennai » pour des questions d’identité locale, histoire de tourner la page anglaise.
Chaque lieu débaptisé donne lieu un petit chapitre d’histoire passionnant, absurde, ou tristement instructif. Car qui est cet auteur curieux, fureteur et précis comme Hérodote qui nous raconte ces bouts du monde oubliés ou maltraités? Discret et quasi introuvable, ce lexicographe anglais est également un excellent historien.
Comme l’ancienne Transcaspie, l’ancien Turkestan (peuplé d’Ouzbeks, Azéris et Tartares) est devenu, après bien des épisodes russo-turques, le Turkmenistan que le tyran Nyyazov avait isolé du monde .
Ou encore Fernando Po, (du nom du navigateur portugais du quinzième siècle) une île à quarante kilomètres de la côte camerounaise, dans le golfe du Biafra, appelée aussi « côte des esclaves »..
Après le passage d’espagnols, anglais et français, un président africain lui a carrément donné son nom : Macias Nguema en 1973 ! Puis, lorsqu’il fut détrôné par son neveu, l’île fut rebaptisée Bioko en 1979.
C’est la plus petite nation hispanophone du monde!
( le fils de Margaret Thatcher a été pris dans un complot de coup d’état visant cette petite île, et s’en est tiré avec quatre ans de prison avec sursis et un demi-million de dollars d’amende..)
Le gouvernement britannique serre les fesses
A chaque nom surgit un passé, une histoire, des peuples.
Mais bien sur, les étapes d’indépendance et d’autres conquêtes sont à lire, car ces histoires apportent un éclairage très intéressant sur les dessous de la géopolitique.
L’auteur, Harry Campbell, est savant, franc et surtout ultra-critique avec colonisateurs, usurpateurs et tyrans, ce qui change radicalement des livres habituels d’histoire ou géographie.
Autre histoire de fous: au sud des Maldives, un archipel peu connu, les iles Chagos, devenu «Diego Garcia» (comme souvent, découverte par les portugais), puis les français les ont peuplé de «chagossiens», des travailleurs immigrés de force ; enfin, les anglais ont raflé ces iles, puis ont fini par les louer aux américains comme base militaire. Les chagossiens ont été déportés à l’île Maurice, ont fini par se plaindre, ont obtenu en 1973 six cents cinquante mille livres, puis en 1982 quatre millions de livres (moins de cinq millions d’euros)… Les leaders chagossiens continuent depuis leur combat aux Nations Unies, et le contrat américain se termine en 2016. Récupéreront-ils leur île , ou une autre aumône ?
Le gouvernement britannique serre les fesses.
La plus folle est l’histoire d’un italien qui avait créé son pays sur une plateforme de quatre cents mètres carrés, frappé timbres et monnaie, et dont le territoire fantôme a fini dynamité.
Bien d’autres chapitres sur Hispaniola, la Batavie, Londonderry, le Sahara espagnol, le Zaïre, le Biafra, la Sénégambie, les îles Gilbert et Ellice, Dantzig, l’Herzégovine, le Tanganyika, ou encore Pleasant Island devenue Nauru…
Chacun de ces petits territoires est le sujet de bagarres, de mensonges, d’enjeux troubles, et de l’ombre de grandes puissances qui se battent pour ces points sur la carte
Déjà des dizaines de sites sur ce livre intelligent et inclassable.
LE GRAND ATLAS DE LA GEOGRAPHIE NOSTALGIQUE
De Harry Campbell ( Editions de l’Opportun)
Du même auteur : Mais qu’est donc devenu le Tanganyika ? (Poche)