Quelque part entre Barry White et Pete Doherty, la vie d’une icône défoncée racontée dans un dessin animé narré par Devendra Banhart
Ci-dessous, un article rédigé fin septembre à l’occasion de la sortie d’un Best Of de ce rockeur do Brasil, que nous remettons en avant suite à la parution de cette vidéo, « The Existential Adventures of Tim Maïa », petit chef d’oeuvre de dessin animé raconté par Devendra Banhart.
Voilà qu’on ressuscite Tim Maia, icône de la soul do Brasil, mort –en sortant de scène- à 51 ans en 1998 ! Luaka Bop, le label de David Byrne sort ces temps-ci dans le monde entier un “Best of” de l’homme, pour le 70° anniversaire de sa naissance.
Tim Maia, son nom ne dit rien en France, ni hors du Brésil, pourtant là-bas, cette montagne de chair a fait pendant trois décennies le bonheur des Brésiliens, avec ses hits dans la grande tradition de la soul (quelque part entre Motown et le Philly sound), voire du funk, mais aussi avec ses ballades torrides qui ont dû générer des millions de petits Brésiliens.
Je ne bois pas, je ne fume pas, je ne sniffe pas… Mais je mens souvent
Tim Maia, avant dernier d’une fratrie de … dix neuf, monte son premier groupe, The Sputniks, à 15 ans, avec notamment un voisin, Roberto Carlos (qui deviendra la plus grande star de toute la musique brésilienne). Il se tire aux USA à 17 ans pour y rester, devient Jimmy, monte un groupe, traficote, et quatre ans plus tard, retour (forcé) à la case départ.
Fumer un pétard dans une voiture volée, aux States, ça ne pardonne pas : six mois de taule et… Dehors ! Bien plus tard, quand je lui demanderai ce qu’il avait appris durant son séjour dans l’autre Amérique, il me répondra, dans un éclat de rire à déclencher une avalanche : “A voler” !!!
Ce n’est que 7 ans plus tard que sort son premier album, en 70. Il ne fait partie d’aucun courant, ni les tropicalistes (Gilberto Gil, Caetano Veloso), ni la samba rock de Jorge Ben. C’est juste Tim Maia. Il aligne tube sur tube, ses chansons se retrouvent dans les BO des telenovelas.
Curiosité récurrente dont on retrouve quelques vestiges dans ce “Best of” : dans chaque album, il y a au moins une chanson en anglais, systématiquement boudée par les radios. Il me l’a confié, sa grande frustration était de ne pas avoir pu conquérir les States.
Les incartades de Tim Maia ne se comptent plus : passage dans une secte (Culture rationnelle) d’où deux ans de préchi-précha et des concerts où tout est blanc, fond de scène, costard et guitare ; concerts annulés en dernière minute ; absorption de toutes sortes de substances.
De retour d’Angleterre , il fait le tour des bureaux de son label Philips, qu’il appelait Flips, distribuant à chacun une pastille de LSD, du comptable au boss : “Ceci est du LSD, pour vous ouvrir l’esprit, changer votre vie et faire de vous quelqu’un de meilleur et de plus heureux. Aucun effet secondaire, on ne devient pas accro, c’est rien que du bon”, selon lui. D’ailleurs, il le jure toujours : “je ne bois pas, je ne fume pas, je ne sniffe pas… Mais je mens souvent”.
Prends du guarana, un jus de cajou, et de la confiture de goyave en dessert
On lui pardonne tout. Il est adoré de tous, au Brésil… Et adorable. La 1° fois que je l’ai rencontré, dans sa loge, avant un concert, il était ému, au bord des larmes de savoir qu’un Français connaissait sa musique. Et de me confesser sa passion pour Gainsbourg. J’ai assisté à sa balance, il hurlait sans arrêt après l’ingé son, “plus fort, plus de basse”, et, il explose : “Mais vodka”. Quoi ? Dans le langage Tim Maïen, il faut entendre “mais voz”, plus de voix. En partant, après le concert, il m’a gratifié d’une étreinte (um abraço) d’une force incroyable, pensez, 140 kgs de chair vive ! J’en suis sorti broyé.
Chez Tim Maia, l’important, ce n’est pas vraiment le contenu des textes : dans “De Leme qo Pontal”, il énumère les quartiers de Rio, et le refrain, c’est “Prends du guarana, un jus de cajou, et de la confiture de goyave en dessert”. Par contre, le son des mots est essentiel, et le groove, implacable.
Voilà, le plus atypique chanteur d’un pays qui n’en manque pas fait défaut au paysage musical de son pays. Ses coups de gueule tonitruants manquent aussi.
Mais pas de souci, 14 ans après sa mort, le soul brother Jimmy… pardon… Tim fait encore danser le Brésil. Ou roucouler. En plus, il a un héritier, son neveu Ed Motta, 130 kgs gorgés de groove.