Un film de Bavo Defurne emprunt de poésie sur l’adolescence
Le réalisateur flamand Bravo Defurne est passé chez Nova à l’occasion de la sortie de son premier long-métrage « Sur le chemin des dunes ». A travers la figure de Pim, un jeune garçon de 16 ans se révélant à son homosexualité, le film dépeint les turpitudes du désir adolescent. Le traitement de la question se veut poétique, et non polémique ou normatif. La rencontre de Pim avec sa propre sexualité semble en ce sens opérer par delà les écueils éprouvés du misérabilisme d’un côté et du militantisme radical de l’autre.
Le pitch ? Fin des années 60, une ville oubliée de la côte belge. Pim vit seul avec sa mère, une ancienne reine de beauté, totalement exubérante, qui est devenue chanteuse de cabaret. Pim égaie ses journées en dessinant et en rêvant à des vies imaginaires. Il exprime ses désirs en collectionnant en secret des objets qu’il garde précieusement dans une boîte à chaussures.
À l’aube de ses 16 ans, sa relation avec son meilleur ami, Gino, va prendre une autre direction. Quant à la mère de Pim, Yvette, elle a ses propres rêves. Fatiguée de ses soupirants et de sa vie monotone, elle aspire à tout quitter pour partir à la découverte du monde.
Un film sur les adolescents
Bavo Defurne voulait réaliser « un film sur les adolescents », comprendre : un film qui non seulement traite des adolescents, mais se place aussi d’emblée à leur niveau, dans l’horizon intelligemment circonscrit de leurs discours, émotions et existences spécifiques ; un film qui parle de l’adolescence, donc, mais en s’exprimant à partir d’elle. L’adolescent fait dès lors figure du héros à part entière. Il n’est pas, comme souvent au cinéma, un simple faire-valoir, un composant annexe qui entre dans le champ de la caméra pour « manger une tartine » et rejoint presque aussitôt l’obscurité fantasmatique du hors-champ.
Et le réalisateur d’insister sur ce point, Sur le chemin des dunes n’est pas « un film avec des ados », i.e. un film sur les adultes avec, en prime, des ados. « Les adultes sont le décor du film ici », l’adolescence et les atermoiements du désir qu’elle occasionne, occupent à rebours une place centrale. L’homosexualité aussi est un thème prépondérant. Elle est abordée avec finesse et intelligence, sans haine ni folklore.
Un histoire d’amour, pas un procès
Pas plus qu’il n’instrumentalise la parole des adolescents, le film ne prescrit aucune conduite ou attitude particulière. A aucun moment, Bavo Defurne n’entend « juger » ses personnages. Contre une approche normative des mœurs dépeintes, il fait valoir la pluralité des opinions. Ainsi éprouve-t-il autant de « sympathie » pour l’exubérante mère de Pim, Yvette, qui « aime chanter, danser et sortir la nuit » quitte à laisser son fils tout seul, que pour la mère de Gino, très branchée famille de son côté.
Il n’y aurait pas à ce titre de “modèle parental” préférable aux autres – notons à ce propos l’absence du père dans l’une et l’autre familles – mais des configurations familiales spécifiques qu’il importe de décrire et de faire vivre. Defurne a de « la sympathie » pour ces deux types de structures, et en profite pour saluer la riche diversité « du tissu humain ».
Une esthétique rétropoétique au service d’un rêveur
Idéaliste et rêveur, Pim s’est créé un univers onirique, fantasmagorique, où l’homophobie n’existe pas. Certes le réel y achoppe parfois, les déceptions sentimentales entrent par effraction dans ce monde taillé sur mesure. Mais jamais elles ne condamnent le jeune homme à une attitude sinistre ou au cynisme. En l’occasion, principe de plaisir et principe de réalité cohabitent sans se détruire.
Par ailleurs, le film est opportunément débarrassé des garants traditionnels de la droite conduite, i.e. « le père qui condamne l’homosexualité, le curé, l’école, les camarades de classe indélicats …», et plus généralement de la figure de l’oppresseur haineux – car en but avec sa propre sexualité. Pim n’a donc pas à se battre pour vivre son désir ; son histoire est d’abord celle d’un amour, d’une romance.
Et le mariage gay dans cette affaire ?
Un film sur l’homosexualité appelle peut-être en dernier ressort une réflexion sur son inscription sociétale – par delà la fiction s’entend. Le mariage gay ? Il existe depuis plus de 10 ans en Belgique et ne semble pas / plus faire polémique, selon le réalisateur. L’instaurer – en 2 temps, comme ce fut le cas dans le (plat) pays – n’était pas évident à la base, mais il paraît définitivement accepté aujourd’hui. Un « défaut de la démocratie » en moins, se félicite finalement Bavo Defurne… A méditer.
En Salles
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