Armée de son synthé rudimentaire, cette musicienne et journaliste parisienne réclame en rimes libres un monde sans aucune précaution sanitaire, doublé d’un hommage feutré au scarabée bousier.
« J’ai beau réfléchir, je te vois pas la moindre espèce d’utilité. À la rigueur tu serais de la merde, tu pourrais servir à plein de trucs. Tu vois le bousier, ce petit scarabée ? Il pousse des balles de merde qui peuvent faire parfois six, sept, huit fois sa taille. Et dans ces petites baballes de merde, il pond ses œufs. » Au milieu de sa chanson Inutile, tirée du premier album jaune canari qui porte son nom publié début mai via le label La face cachée, Marie Klock esquisse une apologie de ce fascinant coléoptère coprophage, dont la force modeste et la persévérance renferment une sagesse séculaire, contrastant avec certains amants inconséquents. « Quand éclosent les larves, qu’est-ce qu’elles font ? Elles mangent la merde autour d’elles pour devenir grandes et robustes avant de se transformer en bousiers musclés pleins de biceps et de triceps et de mollets de bousiers. Alors que toi, tu sers vraiment à rien. C’est prodigieux, j’ai jamais vu ça. »
Et ce n’est que l’une des curieuses surprises de ce disque au verbe cru et tranchant, écrit et composé par cette journaliste à l’ironie sophistiquée (pour Brain, Vice ou Libé) armée d’un synthé rudimentaire. Près d’un tube vénère (Boule de seum, rengaine-remède anti-tocards), on regarde passer dans le ciel ses missiles contre les mâles débiles, entre des histoires surréalistes (à propos de Michel Fourniret, d’un roi des araignées ou d’une Crise d’angoisse à la foire aux synthés, justement) et trois éclats d’inquiétude dénués du moindre second degré, qui paradoxalement réjouissent par leur vulnérabilité (Le Garçon froid, Solitaire, Allô Papa).
« Tu me fais chier avec tes utopies ! » Pour L’Arche de Nova, « la femme Knacki Balls » (titre de ce pastiche étrange d’Olivia Ruiz sur l’instru de Love on the beat, à la gloire des saucisses apéritifs, qu’elle publia pendant le confinement, semi-déguisée en Gainsbourg) réclame en rimes libres un monde sans aucune précaution sanitaire, doublé d’un appel discret au sabotage industriel.« Qu’est-ce que j’attends de l’avenir ? J’attends rien, j’attends pas, je prends la merde comme elle vient et j’essaie d’en faire un truc bien, pour toi. Bousier way of life. »
Pour écouter et télécharger à prix libre l’album de Marie Klock, tout en appréciant sa merveilleuse pochette, c’est ici.
Visuel © Le scarabée bousier ne mesure qu’un centimètre mais peut tirer jusqu’à 1141 fois son poids, d’Apichapong Weerasethakul (2007).