Déterminée à remonter le moral de ses compatriotes, cette plasticienne nantaise rêve de fines lamelles de pommes de terre à partager – sur Zoom ? – avec l’auteur goncourisé de « Je m’en vais ».
« Bon pour un jour de légèreté. » C’est le titre du nouveau recueil de détournements conçus par la plasticienne et écrivaine nantaise Clémentine Mélois, à paraître en novembre chez Grasset, qui rassemblera toutes ses créations nées pendant le confinement. Photo de thermomètre indiquant « toujours pas de fièvre mais vous avez pris des joues » ; réécriture de la première page d’À la recherche du temps perdu, dans laquelle Proust se demande quel est l’équivalent français de « scroller » ; reproduction sur ballon du visage de Wilson dans Seul au monde ; pastiche d’un ticket de concert pour assister depuis son salon au discours présidentiel, lové.e dans un carré or canapé+chipsters ; Une édifiante d’un journal local, qui pose en lettres capitales la question « Doit-on prendre des mesures pour avancer l’heure de l’apéritif ? » ; almanach 2020 avec jolies photos de pangolins ; vinyle vintage d’Alain « Gestes » Barrière ; paquet de chewing-gum hollywoodien où la chloroquine a remplacé la chlorophylle.
Mais pourrions-nous aller encore plus loin dans la légèreté ? Déterminée à remonter le moral des Français, l’autrice de Chère Bertille et la lune en gruyère rêve de fines lamelles de pommes de terre à partager avec l’écrivain français Jean Echenoz, goncourisé pour Je m’en vais (1999), que Clémentine Mélois a très avidement « binge-lu » ces derniers mois, subjuguée par l’humour, les adresses au lecteur et le travail stylistique à l’œuvre dans Les Grandes Blondes, Ravel, Au piano ou Jérôme Lindon. Se poseront très vite, sans doute, des questions logistiques : faut-il pour cela avoir recours à une appli, des sosies, un hologramme ? Une vidéo-conférence nationale, via Zoom ? Il faudra trancher. Mais quel bonheur d’entendre, dans le mâchonnement régulier d’une assiette de frites, des phrases comme celle-ci, échappée de L’Equipée malaise : « Sur toute sa joue, parallèlement à l’arc du maxillaire, cette barbe était traversée par une longue balafre transamazonienne à plusieurs voies, marque des dents d’une petite fourche ou des griffes d’un moyen lion. » Miam.
Pour écouter Jean Echenoz en interview sur une péniche à la frontière allemande, au micro de la Nova Book Box, c’est ici : https://www.nova.fr/news/lever-lencre-33606-27-10-2019/
Image : Mathilde de Capèle.